Rwanda : comment « échapper à l’histoire »

Les relations franco-rwandaises sont tendues. L’armée française est accusée d’avoir joué un rôle important avant comme pendant le génocide de 1994. Et ce, sous la responsabilité de la cohabitation Mitterrand-Balladur de l’époque. Le président Kagame vient en France à la recherche de nouveaux appuis, les Etats-Unis se font distants et de nombreuses ONG lui reprochent de nombreuses atteintes aux droits de l’homme. En face, Sarkozy cherche à renforcer la présence française dans cette région des Grands Lacs, principalement des entreprises qui aimeraient exploiter une belle part des ressources naturelles de l’endroit. Kagame rencontrera d’ailleurs la fine fleur des patrons français mardi matin dans ce but.

De la realpolitik au sens le plus cynique du terme donc. Kagame accepte de tirer un trait sur l’implication française dans le génocide, Sarkozy refusant de la reconnaître et de s’excuser pour cela. Se bornant à sa déclaration de 2007, « à savoir qu’il y a eu une responsabilité collective de la communauté internationale » qui n’a pas su intervenir pour empêcher le génocide, et que « la France a eu sa part » dans cette responsabilité. Signe de la tension qui persiste, le ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé, qui occupait ce même poste en 1994, se voit exclu des négociations. L’opposition rwandaise a prévue de manifester mardi matin à Paris, pendant la rencontre de Kagame avec les patrons français.

Comme ce n’est pas en oubliant des centaines de milliers de victimes que l’on reconstruit un pays, nous vous renvoyons à nos nombreuses enquêtes sur la question.
-Sur l’année 1994 en elle-même et la fameuse opération Turquoise : Rwanda : quelles sont les responsabilités françaises? [1].  A coupler avec ce rapport accablant pour l'Opération Turquoise [2] paru en 2007.
-Il ne faut pas oublier non plus que la France était présente bien avant 1994, et que depuis 1990, l’armée a plusieurs fois volé au secours du futur camp génocidaire : Avant « Turquoise », bien des opérations... [3]
-Au sujet de la justice française à propos du génocide, et de son refus d’extrader des responsables, même après l’abolition de la peine de mort au Rwanda : Génocide : la justice française face à ses responsabilités... [4]
-Le visite de Kagame n’est pas la première étape dans le rapprochement entre les deux pays. Guéant s’était déplacé en 2008, suivi de Kouchner et enfin Sarkozy lui-même en 2010. Des visites qui ont soulevé bien des oppositions : un rapprochement sur le dos des victimes du génocide. [5]
-Enfin un décryptage important de la stratégie argumentation de l’Elysée pour se dédouaner et justifier l’opération Turquoise : le « double génocide ». C'est-à-dire prétendre qu’il n’y a pas eu un camp génocidaire et un camp de victimes, mais qu’il y a eu des bourreaux des deux côtés. Cela permet de présenter l’opération Turquoise comme humanitaire, ce qui constitue un négationnisme à la française [6].