Réforme des retraites : la droite vend la peau de l’ours...
Quand un recul social provoque la joie de la droite. En effet, celle-ci ne cachait pas son plaisir (qui sera peut-être de courte durée, compte tenu de la montée du mouvement social) quand, tard dans la nuit de vendredi à samedi, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture et avant son passage en octobre au Sénat, l’article 5 du projet de loi sur les retraites repoussant de 60 à 62 ans l’âge légal du départ à la retraite. Vote venant après celui, la veille, du report de 65 à 67 ans pour toucher une retraite à taux plein. Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire nationale de l’UMP, se félicitant même, sans rire, que ce vote «soit une bonne chose pour notre modèle social» ! Or ces reculs frapperont en premier lieu les ouvriers et les employés, les femmes qui ont des parcours professionnels plus chaotiques, les jeunes qui, s’ils commencent à travailler à 18 ans, devront cotiser 44 ans pour simplement atteindre l’âge légal de 62 ans…
Cette autosatisfaction de la droite a quelque chose d’indécent. Même à droite, ce vote passe mal. François Bayrou (Modem) qualifiait de «profondément injuste» ce report à 67 ans, et Chantal Brunel (UMP) regrettait d’avoir bataillé en vain pour que cette mesure «ne s’applique pas aux femmes», comme l’avait demandé à l’unanimité la Commission nationale aux droits des femmes. L’ensemble des parlementaires de gauche se sont opposés à ce double report à 62 et 67 ans. Pour Alain Vidalies (PS), «la droite, malgré quatorze ans de pouvoir, n’avait pas remis en question ce droit et maintenant, parce qu’il y a cette crise, elle revient sur ce qui est un élément essentiel de notre pacte social».
Cependant, à gauche, sont apparues des différences de positionnement sur la question de l’allongement de la durée de cotisation. En effet, le PS partage le choix du gouvernement d’allonger cette durée de cotisation jusqu’à 42 ans en 2018 contre 40,5 ans aujourd’hui. La droite avait déjà eu recours à ce procédé en 2003 sans que cela règle la question du financement de nos retraites. Cela avait conduit, par contre, à une baisse de 15 à 20% de la moyenne des pensions. Ce qui a amené Roland Muzeau, porte-parole des députés communistes, à déclarer : «Nous sommes en total désaccord avec le PS» sur ce point, et de préciser : «Il ne faut pas mentir aux Français, si l’on veut maintenir la retraite à 60 ans, il faut arrêter l’allongement de la durée de cotisation.»
Le débat va se poursuivre aujourd’hui, une vingtaine d’articles du projet de loi restant en discussion, et notamment celui sur la question de la pénibilité. Le gouvernement prévoit, comme le dénoncent les députés de l’opposition, une «médicalisation» de cette question. Contrairement à la demande de l’ensemble des syndicats et partenaires sociaux, le gouvernement s’est refusé à aborder de manière collective et par métier cette question de la pénibilité, le traitant uniquement sous l’aspect du handicap.
Mais le débat parlementaire ne se poursuit pas en vase clos. Les rendez-vous du mouvement social, le 15septembre (jour du vote à l’Assemblée nationale) et le 23, vont être des moments marquants, qui font dire à Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT : «Il n’est pas illusoire de viser la victoire» contre ce projet de régression sociale.