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Article paru dans La Marseillaise du jeudi 12 avril 2012 

ImageLa régression sociale a été telle depuis 1993 qu’il paraît difficile de renverser la logique. L’économiste Catherine Mills croit au contraire qu’une réforme de gauche favoriserait la relance économique et sociale.
Si l’antisarkozysme est présent dans la campagne, la nécessité de sortir par la gauche de la crise se fait pressante. Un sujet sur lequel la gauche est attendue : les retraites, après le passage en force de la réforme en 2010.
Durant ces dernières années, la droite a satisfait les desiderata du patronat français. On se souvient de Denis Kessler, alors numéro 2 du Medef et responsable d’un groupe d’assurance, qui exhortait les politiques à « détricoter » les mesures issues du programme du Conseil national de la Résistance à la base du système social français. « Le patronat s’est félicité du travail de Nicolas Sarkozy » affirme l’économiste Catherine Mills, auteure de plusieurs ouvrages sur la protection sociale. « Cette réforme de 2010 a été un vaste plan destructeur qui a éclaté le système de retraite en trois : une assistance limitée, une remise en cause de la couverture pour ceux qui cotisent (âge légal, annuités, indexation sur les prix et pas les salaires) et enfin l’arrivée de la capitalisation qui est un concept individualiste et inégalitaire, au détriment de la croissance réelle et de l’emploi ».

« Il faut abroger la réforme de 2010 »
Alors pour sortir de cette logique : nouvelle orientation sans remise en cause des réformes passées ou abrogation des lois existantes ? Le débat n’épargne pas la gauche. Même si la bataille est loin d’être gagnée, Catherine Mills estime que « le retour à la retraite à 60 ans à taux plein est possible ». Pour cela, « il faut abroger les réformes antérieures ». C’est dans ce cadre que l’économiste communiste s’inscrit dans la démarche du Front de gauche. « L’UMP veut aller plus loin dans la libéralisation, selon la règle d’or, tandis que le FN a une vision individualiste de la retraite ». Quant au PS, « c’est un réel problème. Dire que la retraite à 60 ans concernera uniquement les travaux pénibles ne remet pas en cause les 41,5 annuités. C’est un énorme enjeu et les luttes peuvent contribuer à mettre la pression sur le PS ».
Mais alors comment permettre un départ à taux plein à 60 ans, comme le défend le Front de gauche, tout en revenant aux 40 annuités, alors que les études se terminent de plus en plus tard ? « Il faut justement intégrer les années d’études dans les annuités de cotisation, avec une allocation jeunesse. Sinon, ce sera impossible à atteindre » précise la maître de conférence à Paris I-Panthéon.
Malgré tout, le chemin est tortueux tant la barre a été mise à droite depuis 1993. « Mais la retraite n’est pas un coût » coupe Catherine Mills. « C’est un point majeur de l’alternative, avec un financement solidaire et efficace. La retraite permet le remplacement des générations, le renouvellement de la force de travail, une dynamique économique et surtout, le départ à la retraite assorti d’une création d’emploi crée des marchés nouveaux et contribue à la relance ».
La spécialiste de la protection sociale n’a pas peur des mots. « La retraite est un enjeu de civilisation, sur l’émancipation du salariat, de la domination patronale, de la solidarité entre les mêmes générations et entre tous les âges de la vie ».

Sécuriser les moyens de cotisation
Epineuse question : le financement. « La retraite n’est pas un coût, mais il faut bien évidemment la financer. Il faut préciser que la réforme du gouvernement n’est pas financée, compte tenu des besoins sociaux en augmentation » affirme Catherine Mills. « Et pourtant, il faut bien répondre à ces besoins et il y a donc de réels besoins de financements ». Deux propositions : « la création d’une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques, qui pourraient rapporter 39 milliards » tout en gardant « le principe du financement par la cotisation sociale. Les entreprises qui embauchent et développent la formation qualifiante bénéficieraient de cotisations réduites tandis que celles qui diminueraient la part des salaires dans la valeur ajoutée seraient assujetties à des taux de cotisation plus lourds ». Un autre rôle joué par la Banque centrale européenne pourrait favoriser « la croissance, l’emploi et les services publics ».

L’emploi et les salaires sont au cœur du dispositif.
« 100.000 emplois en moins, c’est 2 milliards de rentrées en moins, 1 milliard de cotisations en moins pour les retraites » cite l’économiste. « Et une diminution d’un point de croissance correspond à la même perte ». D’où « le besoin d’une nouvelle politique économique basée sur un autre type d’entreprise et le fait de sécuriser les moyens de cotisation ».
Une vision bien éloignée de la politique de la droite depuis presque 20 ans. « Ce n’est pas l’austérité qui ramènera la croissance et l’emploi et qui diminuera la dette publique. Au contraire, ce qui la diminuera c’est une nouvelle réforme basée sur le développement économique et social ».

Propos recueillis par Sébastien Madau
Photo Stéphane Clad

« Le retour à la retraite à 60 ans est possible »
Tag(s) : #Retraites
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