Le commerce mondial carbonise le climat
Le transport de marchandises représente 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit près de 3 milliards de tonnes de CO2 (1). C’est ce qui ressort de l’étude intitulée «le Fret mondial et le changement climatique», que vient de publier le Centre d’analyse stratégique (2), organisme rattaché au premier ministre et chargé d’éclairer les choix stratégiques du gouvernement. Si la contribution du fret au réchauffement climatique apparaît relativement faible, le document met en évidence qu’elle est en forte croissance depuis le début des années 1990 et qu’elle pourrait tripler d’ici à 2050.
Compilant les données issues notamment de l’Agence internationale de l’énergie, le rapport rappelle qu’en 2007 les transports étaient responsables de 14% des émissions de gaz à effet de serre au plan mondial et de 23% des émissions du seul CO2, soit 6,6 milliards de tonnes de CO2, dont 73% sont attribués au transport routier. Les auteurs de l’étude, dirigée par l’ingénieur et économiste Michel Savy, ont travaillé à distinguer ce qui relève du transport de personnes et du transport de marchandises. L’exercice n’est pas chose aisée, sachant que certains moyens de transport, comme les avions, peuvent transporter en même temps des marchandises et des voyageurs. La part de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre attribuée au fret reste donc une estimation, même si celle-ci apparaît très fiable. Cette part est différemment répartie selon les modes de transport. Ainsi le routier est responsable de 51% des émissions de CO2 du transport de marchandises, le maritime de 34%, l’aérien de 5%, et le mode ferroviaire de seulement 4%.
Dans un second temps, les auteurs du rapport ont travaillé à déterminer la part «des émissions internationales» et celle «des émissions nationales». Les premières étant les émissions dues aux échanges internationaux de marchandises et les secondes relevant du transport domestique de marchandises. L’étude cite les chiffres avancés par l’Organisation maritime internationale (OMI), qui estime à 843 millions de tonnes les émissions internationales, mais précise que ce total ne prend pas en compte les transports de marchandises intra-européens, considérés par l’OMI comme relevant des émissions domestiques. Pour sa part, «le Centre d’analyse stratégique estime que les émissions liées au commerce international représentent environ 30% des émissions de gaz à effet de serre du fret mondial».
Outre des prévisions qui font apparaître que la contribution du fret à l’effet de serre pourrait atteindre 8 milliards de tonnes de CO2 en 2050, l’étude recense les marges possibles de réduction des émissions et les actions qui pourraient être mises en œuvre pour les atteindre. Développement du fret ferroviaire, amélioration des chaînes logistiques…, il passe en revue un certain nombre de ces solutions. Mais, prévient le directeur général du Centre, Vincent Chriqui, «si toutes les recommandations de ce rapport étaient adoptées, on ne parviendrait au mieux qu’à stabiliser les émissions du transport de marchandises d’ici à 2050». Autrement dit, sans transformation profonde de la mondialisation, la division par deux des émissions de gaz à effet de serre recommandé par le Giec ne sera pas atteinte.
(1) En 2007, le total des émissions mondiales de gaz à effet de serre a atteint 28,9 milliards de tonnes équivalent CO2.
(2) Le rapport est consultable et téléchargeable en ligne sur le site du Centre d’analyse stratégique www.strategie.gouv.fr [1].