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La France aurait les moyens de se faire entendre
1. Reprendre le pouvoir sur la finance avec une nouvelle République 
et une autre politique économique.

La baisse de la note des États-Unis par l’agence Standard & Poor’s a suscité un flot de critiques, mais les faits sont là : les instances politiques s’affairent dans l’urgence pour tenir compte de cette nouvelle donne et éviter la panique des marchés, quitte à obtempérer aux recommandations de leurs «experts» pour serrer la vis aux budgets, couper dans les dépenses publiques et imposer l’austérité aux peuples. Comme si les rapports de pouvoir s’étaient inversés au point de subordonner complètement les États démocratiques et leurs gouvernements aux marchés et à leurs émanations, dont font partie les agences de notation. Pour sortir du piège, il ne suffira pas, comme le réclame par exemple la BCE (voir l’Humanité d’hier), de créer des agences de notation concurrentes à celles existantes. Ni de promouvoir, à l’instar d’Alain Minc dans le Journal du dimanche d’avant-hier, une «gouvernance économique européenne à marche forcée», qui, à règles européennes inchangées, ne serait qu’une fuite en avant dans l’autoritarisme pour imposer l’austérité aux peuples sous couvert de «fédéralisme». Seule une réappropriation du pouvoir politique sur les instances économiques et financières (institutions internationales, banques, marchés), en favorisant l’implication des peuples et de leurs représentants élus dans les Parlements, les collectivités, peut y parvenir. En France, cela implique en premier lieu la création d’un pôle public financier, dans lequel les citoyens et leurs représentants disposeraient de pouvoirs d’intervention en faveur de nouveaux critères d’utilisation du crédit bancaire. Cela exige aussi d’agir, comme s’y était engagé Nicolas Sarkozy avant de faire marche arrière, en faveur de la fin de l’indépendance de la BCE, mais pour aller beaucoup plus loin qu’il ne l’envisageait, en lui attribuant de nouvelles missions en faveur de l’emploi et de la formation. Mais cela demande également de substituer un pacte de progrès social au pacte euro plus élaboré par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, et à sa déclinaison française, le projet de loi constitutionnelle sur la «règle d’or» budgétaire, qui propose de mettre les finances publiques et les politiques économiques nationales sous tutelle de la Commission européenne, instance non élue, au détriment de la souveraineté du Parlement. Évidemment, cela passerait par la convocation d’une Assemblée constituante pour une VIe République qui rompe avec la présidentialisation de la Ve République, au profit de la revalorisation du rôle du Parlement, de la reconnaissance des droits sociaux (droit au travail, à la santé, au logement, etc.) et de la citoyenneté à l’entreprise, avec des pouvoirs d’intervention dans la gestion étendus pour tous les salariés.

2. La France peut contribuer 
à promouvoir dans ses frontières et en Europe une reprise réelle 
de la croissance et de l’emploi.

La question est déjà au centre du débat politique de l’élection présidentielle. Pour y parvenir, contrairement à ce qu’affirment certains, même à gauche, il faut arrêter de faire de la réduction des déficits publics l’alpha et l’oméga de la politique française, rompre avec les politiques d’austérité.

L’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE, qui regroupe les pays capitalistes les plus développés, a annoncé hier que les principales économies de la planète montraient des signes de ralentissement. De son côté, la Banque de France a indiqué, hier également, que ses prévisions pour le troisième trimestre de cette année envisagent une poursuite de la décélération de la croissance de l’économie française. Les politiques de réduction des dépenses publiques et de pression sur les salaires et l’emploi mises en œuvre un peu partout, notamment dans notre pays, produisent inexorablement leurs effets prévisibles : elles étouffent l’activité.

Sans attendre des changements au niveau européen, un gouvernement de gauche pourrait par exemple s’appuyer sur les luttes sociales pour l’emploi et les salaires et sur la constitution d’un pôle financier public, regroupant les institutions publiques actuelles et d’autres à nationaliser, afin d’inciter les banques à financer prioritairement les investissements et les recherches créateurs d’emplois, nécessitant l’engagement de formations afin d’élever les qualifications et les salaires. Cela supposerait, avec les ressources dégagées par la mise en cause des exonérations fiscales et sociales stériles dont bénéficie le patronat (notamment les baisses de cotisations liées aux bas salaires), de rendre moins cher le recours des entreprises au crédit grâce à la prise en charge de tout ou partie des intérêts d’emprunts ayant de tels objectifs. Au lieu de réduire les prélèvements publics comme actuellement, on baisserait ainsi les prélèvements financiers.

En Europe, les interventions nouvelles de la Banque centrale européenne (BCE) opérées ce lundi afin de soutenir les finances publiques espagnoles et italiennes montrent l’importance de son rôle, mais aussi la nécessité de le transformer. Plutôt que de soulager les banques en leur rachetant des titres de dettes publiques, comme elle le fait actuellement, il faudrait qu’elle les rachète directement aux États à leur émission et que les recettes ainsi obtenues servent à alimenter un fonds social et solidaire pour le développement européen qui, lui-même, financerait l’essor des services publics et de la croissance des différents pays de l’Union. En outre, au lieu de se contenter d’en parler, la France pourrait agir avec détermination pour la mise sur pied, en Europe et même au niveau mondial, d’une véritable taxation des transactions financières et un prélèvement spécifique sur les institutions financières qui spéculent sur les dettes publiques.

3. Paris dispose de cartes contre l’hégémonie du dollar, une des sources des déséquilibres.

La non-convertibilité en or du billet vert, décidée en 1971, donne à la devise d’un pays, les États-Unis, un privilège exorbitant au sein du système financier international mis en place à Bretton Woods en 1945, faisant d’elle la devise de référence et de fait une véritable monnaie commune mondiale. Tous les acteurs économiques états-uniens peuvent ainsi siphonner l’épargne de la planète. D’où aussi l’utilisation de la planche à dollar alimentant la spéculation sur les prix des matières premières ou contre… les emprunts d’État de plusieurs pays de la zone euro.

Le problème a atteint un tel degré de maturité dans la crise que même Nicolas Sarkozy a pu lancer, à la veille du premier G20 réuni en novembre 2008 à Washington : «Le dollar ne peut plus prétendre être la seule monnaie au monde.» Mais le président français est coutumier des déclarations tonitruantes à vocation très volatile. Et cette année, au début de la présidence française du G20, il assurait à Barack Obama que le billet vert avait bien vocation à «rester la monnaie numéro un dans le monde».

Paris aurait d’autant plus les moyens de prendre ce défi au sérieux que la mise en place d’une vraie monnaie commune mondiale de coopération émerge maintenant avec une force décuplée. Car l’Europe n’est pas la seule victime de la suprématie du dollar, les pays émergents subissent force spéculations d’investisseurs gonflés en dollars contre leurs devises. La Chine a proposé l’instauration d’une monnaie de réserve alternative. Il faut aller bien plus loin. Les besoins d’investissements émergent en effet partout, en France et aux quatre coins de l’humanité, pour l’emploi, la recherche, la lutte pour l’environnement, la préservation du climat, pour de nouveaux services publics. Les «prémices» de cette vraie monnaie commune mondiale existent sous la forme des droits de tirage spéciaux d’un FMI qu’il faudrait transformer radicalement pour répondre présent à l’appel à ce saut de civilisation.

S & p applaudit sarkozy

L’agence de notation Standard & Poor’s, qui a dégradé la dette américaine, a déclaré hier que la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy était «une mesure intelligente» et que sa politique budgétaire était «bien conçue». Il y a un an, l’agence Moody’s avait affirmé que les États-Unis et la France, notamment, «se sont malgré tout rapprochés de la note de dégradation», en raison de l’importance de leur dette publique. Les deux agences sont d’accord sur un point : il faut pratiquer une politique d’austérité.

Sébastien Crépel, Pierre Ivorra et Bruno Odent

URL source: http://www.humanite.fr/politique/la-france-aurait-les-moyens-de-se-faire-entendre

Tag(s) : #Economie
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