Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La fonction publique loin des caricatures

Article paru dans La Marseillaise du mardi 18 février 2011

 

L’Education nationale est un des secteurs les plus visibles des ravages de réduction drastique des emplois dans la fonction publique. photo RT
L’Education nationale est un des secteurs les plus visibles des ravages de réduction drastique des emplois dans la fonction publique. photo RT

A mots feutrés dans un rapport statistique ou à propos clairs dans l’audition des syndicats par la mission sénatoriale d’étude : la Révision Générale des Politiques Publiques est loin de faire l’unanimité.


Une mission d’information au Sénat confiée à François Patriat, une grande enquête sur l’emploi public publiée par le Centre d’analyse stratégique (CAS) : ce mois de février est propice à la réflexion sur les effets de la Révision Générale des Politiques Publiques, RGPP. Derrière ces quatre lettres, une vaste entreprise de « modernisation » de l’action de l’Etat entamée le 10 juillet 2007, devant surtout permettre de réaliser quelques 7,7 milliards d’économie.
De 22 à 25% des emplois en France : c’est ce que représente l’emploi public selon le CAS qui a travaillé sur l’ensemble des emplois financés par l’impôt, quel que soit la nature du contrat et sans se cantonner aux seuls fonctionnaires. Pas mal ? Une position simplement « moyenne haute » en regard de ce que l’on peut trouver dans les autres pays de l’OCDE, à trois nuances près cependant. Premièrement, la France a moins recours à la sous-traitance que les autres pays. Deuxièmement, cette position relativement correcte « coexiste avec des poches de sous-administration sectorielle et spatiale ». Troisièmement, la population française s’accroît, contrairement aux autres pays européens. Ce qui mène le CAS à la conclusion « d’une érosion relative de l’emploi public en France ».

Dans les ministères : moins 16% en 5 ans


Erosion ? Un terme opportun quand on focalise sur les ministères et les établissements publics. Les effectifs ont baissé de 16,2% entre 2006 et 2011. Mais comme l’avait déjà souligné la Cour des comptes en 2009, il faut compter avec l’ampleur des transferts : confier la mission aux Régions, aux Départements, aux Villes ou aux Communautés d’Agglo, histoire que la facture ne s’affiche pas dans le grand livre des comptes de l’Etat. Mieux, la compensation financière étant arrêtée à une date fixe, l’Etat n’aura pas à supporter les frais inhérents à un développement - fut-il simplement naturel - d’une activité. Sur les 16,2% de fonctionnaires en moins au niveau de l’Etat, « seuls » 5,3% sont des suppressions pures et simples, le reste relève des vases communicants. Ce qui conduit le CAS à souligner que « les résultats de la réforme sont plus spectaculaires sur le périmètre étroit de l’Etat que sur le périmètre plus large de l’administration publique ». Or, c’est précisément sur ce dernier que se focalisent les critères de Maastricht. Le centre d’analyse stratégique souligne aussi le manque de visibilité. Pourtant, le gouvernement s’était choisi un slogan assez efficace : un départ à la retraite sur deux ne sera pas remplacé. Même là, les faits sont plus complexes. On découvre ainsi un arbitrage par statut : les agents de catégorie C - le bas de l’échelle - sont très nettement moins remplacé que ceux de catégorie A et B quand ils partent à la retraite.

Economiser oui, réfléchir… un peu moins


En termes choisis, le rapport mentionne aussi les trois étapes de la RGPP. « La logique comptable défensive qui consiste à réduire les postes sans repenser l’organisation et les fonctionnements reste la stratégie la plus immédiate. Vient ensuite la transposition des modes de gestion du privé : repli de l’Etat sur son cœur d’activité (fonctions régaliennes) et externalisation de nombreux domaines. La troisième étape devrait être celle de l’identification de nouveaux besoins et l’adaptation de l’offre publique à la demande collective ». C’est joliment dit mais chacun aura noté l’utilisation du conditionnel pour la troisième étape. Celle que tout le monde souhaite.

Pour économiser, l’outil fiscal est d’un bien meilleur rendement


C’est en effet ce que montrent les premières auditions effectuées par la commission du Sénat, particulièrement explicites quand il s’agit des syndicats. Tout y passe : l’absence de concertation, les effets sur les élus des collectivités, sur les agents et sur le public. Les exemples sont divers, de la suppression de l’ingénierie publique qui conduit des maires de petites villes à ne plus pouvoir faire vérifier leurs contrats et les obligent à faire confiance aux entreprises, au délai qui augmente pour l’obtention de papiers, en passant par les carences évidentes en cas de problème - type tempête, neige etc.
« Le service public doit se réformer mais pas n’importe comment » note ainsi Yves Letourneux, secrétaire national de la fédération interco-CFDT, « Nous sommes toujours prêts à nous mettre autour de la table pour faire avancer les choses mais, comme pour les retraites, le gouvernement se contente de faire croire au dialogue social et casse tout sans répondre aux vrais problèmes de la fonction publique ». « Nous en sommes arrivés à un stade où l’on doit s’interroger sur les services publics que l’on veut dans notre pays, sur les moyens de construire des solidarités nouvelles » ajoute Patrick Hallinger de la CGT. « Les collectivités locales ont su réussir de grandes choses. Il faut s’interroger sur leur complémentarité avec l’Etat. Mais il faut aussi un peu de moyens ».. « Quand on parle de déficit public, il faut considérer les dépenses et les recettes » ajoute encore Yves Letourneux, « Le bouclier fiscal coûte plus cher en moins-value de recettes que ce que la RGPP conduit à économiser en dépenses ».

 

Décryptage Angélique Schaller
Photo : Robert Terzian

 

Tag(s) : #Services publics
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :