L’avenir du service public local au cœur des élections
Ils sont trente. Trente départements éligibles sur cent, selon des critères précis, au fonds de soutien aux départements en difficulté, à se partager 150 millions d’euros. C’est le dispositif présenté par Philippe Richert, le 8 février dernier, devant le Comité des finances locales, et censé parer à l’urgence de la situation financière des conseils généraux. Une urgence qui aura pourtant duré dix mois à se concrétiser sous forme d’un « projet de décret » – pas encore en vigueur, donc – depuis la remise du rapport Jamet à François Fillon, en avril dernier.
Vote de budgets en déséquilibre
Dix mois de gestation pour accoucher d’une souris : d’ores et déjà, on sait que le fonds de soutien est loin des besoins exprimés ne serait-ce que pour parvenir à finir l’année. « Les charges sociales transférées non compensées aux départements ont représenté 3,8 milliards en 2008, 4,2 milliards en 2009, notre situation devient catastrophique », mettait ainsi en garde, en avril, Claudy Lebreton (PS), président de l’Association des départements de France (ADF). Huit milliards d’un côté, 150 millions de l’autre : cherchez l’erreur…
Selon les sources, on estime entre un quart et un tiers les départements relevant d’une situation de quasi-faillite. À tel point que certains départements n’hésitent désormais plus à voter des budgets en déséquilibre, même si la loi le leur interdit, ou à déposer des recours devant le Conseil constitutionnel.
Parmi les raisons de cette banqueroute, la baisse des droits de mutation perçus sur les transactions immobilières (ou « droits de notaire »), suite au ralentissement du marché, et la hausse de la demande sociale sous l’effet de l’accroissement du chômage et de la précarité, ont joué. Mais pas seulement. Avec la crise, les départements, auxquels l’État a transféré, depuis 2002, la gestion des principales allocations nationales de solidarité, sont confrontés à une hausse sans précédent du nombre de leurs bénéficiaires. En 2009, les dépenses pour le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation personnalisée à l’autonomie (APA) et la prestation compensatoire du handicap (PCH) ont ainsi grimpé de 6,8 %. Mais contrairement aux engagements du gouvernement de l’époque, la « compensation à l’euro près » de ces transferts n’a jamais été effective. Aujourd’hui, nombre de départements ne peuvent plus faire face, étranglés par le déficit cumulé.
Une « Équation insoluble »
Ainsi du Val-de-Marne, auquel l’État doit 365 millions d’euros depuis 2002, rien qu’au titre des transferts non compensés en matière sociale, selon un rapport voté à l’unanimité par l’assemblée départementale.
Si on y ajoute la baisse des recettes fiscales propres des départements, avec la suppression de la taxe professionnelle, la coupe est pleine pour des élus locaux qui voient leur capacité d’action compromise. Privées de ressources propres, les collectivités sont de plus en plus dépendantes des fonds alloués par l’État, au détriment de leur autonomie. D’autant que ces dotations ont tendance à se réduire d’année en année sous l’effet de la révision générale des politiques publiques (RGPP), politique de rigueur budgétaire appliquée de force aux collectivités pour renter dans les clous du pacte de stabilité européen. « Si l’on ne veut pas que le conseil général se transforme en simple guichet, sans marge de manœuvre pour mettre en place sa politique, il faut agir », affirmait le rapport adopté dans le Val-de-Marne.
Dans ce contexte, les élections cantonales ne peuvent se résumer, pour nombre d’élus de gauche, à un scrutin « dépolitisé » sans enjeu tel que le souhaiterait la droite. Car derrière les contraintes budgétaires, se joue l’avenir des services publics pour les populations. « Du fait de ces contraintes financières, les collectivités se retrouvent devant une équation insoluble », expliquait l’Association nationale des élus communistes et républicains, le 24 janvier. « Soit elles réduisent les services publics et font à leur corps défendant le jeu du gouvernement. Soit, privées de la taxe professionnelle que le gouvernement a supprimée, elles augmentent les impôts sur les ménages alors que ces derniers subissent déjà durement les dégâts sociaux conséquences de la crise. » Autant dire que le sens du vote des 20 et 27 mars pèsera pour aider à desserrer l’étau.