Une croissance économique bridée
Prudence : c’est le mot d’ordre qui s’impose à la plupart des analystes économiques dans leurs appréciations du devenir de la reprise en France et en Europe. Prudence, notamment après l’annonce par l’Insee, vendredi dernier, d’une baisse de la consommation des ménages de 1,4% en juin. L’institut a précisé que la consommation des ménages en produits manufacturés a reculé de 0,9% au 2e trimestre 2010 après une chute de 1,9% au 1er. Sur l’ensemble de l’année, elle augmenterait au total de 1,2%, soit plus qu’en 2008 et 2009 mais en deçà des années précédentes, où elle progressait de 2,5% l’an.
Dégradation du marché du travail
Pour les économistes du Crédit agricole, point de doute, si la «consommation privée (est) bridée», cela tient à «la faiblesse des revenus en sortie de crise». Ils rappellent que «le revenu disponible est le principal déterminant de la consommation privée en France… Or, la dégradation du marché du travail français maintient actuellement sous pression les revenus des ménages. L’emploi marchand a, en effet, baissé de 2,1% en 2009. Dans ce contexte, les revenus d’activité (en valeur) ont nettement ralenti». Si les salaires fixes ont résisté en 2009, le total des rémunérations a, lui, plutôt été freiné (+ 1,3%) du fait de la baisse des parts variables et «cette tendance s’est poursuivie au premier trimestre 2010». Pour la suite, le service d’études économiques avoue sa perplexité mais craint que «l’ajustement des finances publiques» mis en œuvre en France et en Europe n’incite les ménages à «augmenter leur taux d’épargne, en anticipation d’une hausse des impôts». Compte tenu de tout cela, il en conclut que « la consommation privée ne pourra pas être un moteur dynamique de la croissance en France à court et moyen terme».
«Freinage en vue», indique pour sa part le service de recherche de BNP Paribas dans sa note de juillet-août. Il justifie cette affirmation en pointant du doigt les «plans de réduction des déficits budgétaires» dont l’effet jouera à plein à partir de 2011. Il remarque que «les données conjoncturelles les plus récentes montrent que, après une faible progression au 1er trimestre (0,1%), l’activité a probablement retrouvé au 2e trimestre une croissance plus vigoureuse (autour de + 0,5%). La reprise devrait se poursuivre cet été, mais pourrait commencer à marquer le pas en fin d’année, cette baisse de régime étant annonciatrice d’un freinage plus marqué en 2011».
Les conséquences risquent d’être en cascade. En effet, la faible croissance actuelle est en grande partie tirée par les exportations, notamment vers les pays de l’Union européenne. Or, l’engagement partout sur le continent de politiques de réduction des dépenses publiques va probablement avoir un impact sur le commerce intra-européen. Ce scénario souligne la dangerosité de ces politiques de restriction de la dépense publique qui visent avant tout, comme l’a récemment rappelé la chancelière allemande, Angela Merkel, à «préserver la stabilité de l’euro». Oui, l’austérité tue la croissance.