Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Etat d’alerte sur l’avenir des centres de santé

 

Les médecins se sont encore mobilisés jeudi, comme ici à Martigues. Photo N.P.
Les médecins se sont encore mobilisés jeudi, comme ici à Martigues. Photo N.P.
Les mesures du plan social du Grand conseil de la Mutualité des Bouches-du-Rhône entrent en vigueur. Des structures de proximité se retrouvent sans médecin. Des mobilisations sont lancées.


 
La crise que connaît le Grand conseil de la Mutualité des Bouches-du-Rhône a franchi un nouveau cap jeudi avec la fin des missions de plusieurs médecins généralistes licenciés dans le cadre de son plan social. Le GCM est actuellement en redressement judiciaire avec un passif qui s’élève à environ 30 millions d’euros après avoir échappé de peu à la liquidation pure et simple. Un Fonds national de solidarité mutualiste (Etat-Mutualité française) d’un montant de 3 millions d’euros a déjà été débloqué le 12 octobre, permettant d’éviter le pire.
Les enjeux sur place sont colossaux. Le Grand conseil de la Mutualité ce sont certes plus de 850 salariés, mais surtout plus de 200 000 consultations annuelles réalisées dans les centres de santé, les centres optiques et dentaires et autres pharmacies du réseau sanitaire. Le plan social a été décidé par le conseil d’administration du GCM en janvier 2012. Il incluait notamment la vente de la clinique mutualiste de Bonneveine à Marseille, ainsi que le passage à l’acte des médecins. Les praticiens licenciés sont justement ceux ayant refusé ce nouveau mode de rémunération, estimant qu’il était en contradiction avec l’esprit mutualiste initial et la médecine sociale. La procédure de redressement du GCM a  débuté devant le Tribunal de Grande instance de Marseille en novembre 2011.

    A n’en pas douter, un affaiblissement durable du réseau mutualiste bouleverserait de facto, la cartographie sanitaire du département. L’Igas (Inspection générale des affaires sociales) a certes relevé dans son rapport des critiques sur la gestion de la direction du Grand conseil mais elle a validé le caractère indispensable des centres de santé dans le maillage sanitaire local. Un réel point d’appui pour continuer à y croire. Refusant la fatalité, de nombreux rassemblements ont eu lieu dans les communes accueillant sur leur territoire des centres de santé mutualiste. Le bataille est menée depuis plusieurs mois à la fois par les personnels médicaux et administratifs, ainsi que les élus locaux, les usagers. Mais y compris sur le plan de l’alternative, la démarche est complexe. Si les relations sont houleuses entre les personnels et la direction du Grand conseil de la Mutualité, dont la gestion est critiquée, l’Etat est également placé devant ses responsabilités pour agir dans l’urgence. Tour d’horizon de quelques mobilisations jeudi. Une forte mobilisation a notamment eu lieu à Martigues où pas moins de six médecins généralistes seront licenciés.

A Martigues, six médecins en moins et des menaces sur le personnel et la pharmacie

« Au-delà d’eux, la situation touche aussi les secrétaires médicales et les personnels qui travaillent à la pharmacie et à la mutuelle. Tout cela est menacé », déplore Dominique Eddi, responsable du syndicat des médecins généralistes. « Nous avons affronté les pires difficultés, mais nous ne lâcherons pas nos patients ! Nous savons que nous pouvons compter sur eux ! ». Dénonçant l’attitude « inconséquente » du Grand conseil de la Mutualité « qui mène l’ensemble à la faillite », selon lui, il entérine une rupture : « on ne veut pas faire la médecine qu’il nous propose. On veut des accueils de secteur 1 pour tous et de qualité. Très rapidement, on va créer un cadre pour aboutir à un projet cohérent ! » Une association -Les Amis de la Médecine Sociale et Mutualiste- s’est créée dernièrement en ce sens afin de « s’appuyer sur elle et reconstruire avec tous les acteurs : patients, professionnels de santé, adhérents, élus pour une vraie médecine de fonction, à la fois curative et préventive ». Non loin de là, à Miramas, 3 médecins quitteront eux prochainement leurs fonctions alors que 12 000 patients fréquentent régulièrement ce centre à caratère municipal.

A La Ciotat, le centre mutualiste fait partie du patrimoine sanitaire

De l’autre côté du département des Bouches-du-Rhône, au centre de santé Pierre-Calisti, jeudi matin un rassemblement s’est tenu dans ce lieu « construit en 1961-62, sous l’impulsion du comité d’entreprise des chantiers navals » se souvient Victor Trotobas, mutualiste de longue date et membre actif du collectif d’usagers. « Nous défendons aujourd’hui ce que nous ont légué nos anciens et ce que nous avons fait » dans le désert médical de l’époque. Le but était « d’améliorer considérablement l’offre de soins, d’éviter les coûts de déplacement à Marseille et de prendre en charge les avances ». Très vite, le centre médical est devenu un « l’outil » préventif de premier ordre. «Nous lui avions par exemple demandé de convoquer des gens de plus de 50 ans de différentes corporations pour faire une étude des risques».
C’est dans cet esprit que les médecins et les délégués des chantiers ont travaillé ensemble pour dénoncer les conséquences de l’utilisation de l’amiante. Bon nombre de victimes sont d’ailleurs actuellement suivis au centre de La Ciotat qui possède du matériel perfectionné.

Un risque de désert sanitaire plane à Port Saint-Louis du Rhône

    Dans certaines villes populaires, le centre de santé mutualiste joue souvent le rôle de véritable lien social. C’est le cas de Port-Saint-Louis du Rhône où 83% de la population fréquente la structure médicale de proximité.
« Depuis près de deux ans, nous sommes entrés en résistance,  pour défendre notre centre de santé qui, sous couvert d’une restructuration, voit sa mission de service public remise en cause » explique le maire (PCF) Jean-Marc Charrier qui fait partie des 11 maires ayant adressé un courrier au préfet demandant qu’il organise d’urgence une conférence territoriale sanitaire.
Depuis le 16 novembre, il n’y avait plus de médecins généralistes dans le centre de la commune. « Nous nous sommes retrouvés dans la situation d’un véritable  désert médical. Comment 4 médecins libéraux peuvent-ils répondre aux besoins de près de 10 000 habitants, le jour, la nuit et le week-end ? » s’interroge l’élu. « Nous sommes à 35 kilomètres de l’hôpital le plus proche ! ». Le maire a ainsi sollicité une rencontre avec la ministre Marisol Touraine, « afin qu’elle dégage les moyens nécessaires pour répondre immédiatement à la situation spécifique de Port Saint-Louis du Rhône… »
Sylvain Fournier,  Nathalie Pioch, Jean-François Arnichand, Nathalie Fredon, Sébastien Madau

Article paru dans La Marseillaise du vendredi 7 décembre 2012

Tag(s) : #Santé
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :