De l’oseille aux patrons pour faire trimer les vieux
Quel aveu involontaire de Laurent Wauquiez ! « Les entreprises n’embauchent pas les seniors parce qu’ils
coûtent trop cher. » Si près de la moitié des 55 à 59 ans sont exclus de l’emploi, c’est donc uniquement parce que coûtant trop cher, le patronat refuse de les employer. L’âge légal de
départ à la retraite à taux plein à 60 ans n’est donc pas en cause dans le faible taux de l’emploi des seniors et son report ne serait pas, comme le prétend le Medef, « l’incitation
psychologique » qui permettrait de faire travailler les salariés plus longtemps. La propagande gouvernementale pour la « réforme juste » des retraites serait ainsi démentie. Il faudrait
donc d’autres incitations et le secrétaire d’État à l’Emploi livre au quotidien le Parisien ses recettes pour « améliorer l’emploi des seniors ». C’est tout simple. Si on ne les embauche
pas parce qu’ils coûtent trop cher, faisons en sorte que les vieux coûtent moins aux patrons.
Deux pistes sont à l’étude dans les cabinets ministériels. La première est « de permettre aux entreprises qui embauchent des chômeurs âgés d’être exonérées de charges ». Ça ne
s’appellerait pas créer une nouvelle niche ? Le gouvernement avait assuré vouloir en supprimer ou les raboter, mais voilà qu’il en invente une nouvelle ! Pour justifier cette mesure,
Laurent Wauquiez s’appuie sur le dispositif « zéro charge » mis en place depuis 2009 et qui, selon lui, aurait « permis 1 million d’embauches dans les petites entreprises ». « D’où ces
chiffres sortent-ils ? » s’interroge Pierre-Yves Chanu. L’économiste de la CGT fait remarquer que « supprimer les charges sur le travail, c’est proclamer que le travail n’a aucune valeur
». Il évoque des mesures analogues prises en 2005, le « CDD senior », qui avait permis la signature de… 20 contrats. La seconde piste, c’est « une prise en charge d’une partie de la
rémunération des tuteurs ». Ces salariés expérimentés qui contribuent à intégrer des nouveaux embauchés seraient donc, en partie, payés sur les fonds consacrés à la formation
professionnelle. On imagine l’effet d’aubaine qu’offrirait la généralisation de ce mécanisme par le patronat.
Laurent Wauquiez a un mérite : il démonte en fait l’argumentation du gouvernement en faveur de sa réforme des retraites. Il ne s’agit pas de résoudre un problème démographique mais
d’utiliser les seniors pour abaisser le coût global du travail en généralisant la concurrence entre les générations de salariés. Les suggestions de Laurent Wauquiez ne lui permettront pas
de concourir pour la palme de l’originalité. Au fond, c’est toujours le même discours, toujours les mêmes dogmes : le coût du travail est insupportable pour les entreprises. « Ce serait
plus simple de nommer directement Laurence Parisot ministre de l’Emploi, ironise Pierre-Yves Chanu. Ces recettes sont exactement celles du Medef. »
Olivier Mayer