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Politique - Article paru le 17 décembre 2008 dans l'Humanité

Sarkozy passe en force sur le repos dominical !



Parlement . La gauche annonce une « opposition acharnée » lors de l’examen du projet de loi sur le travail du dimanche. Les syndicats font front commun. Le gouvernement a dû lâcher du lest.

Voulue par Nicolas Sarkozy pour mettre en pratique son fameux « travailler plus pour gagner plus », mais dénoncée par les syndicats, l’Église, l’opposition et une partie de la majorité, la proposition de loi sur le travail du dimanche vient d’être réajustée, alors que son examen, qui devait débuter hier à l’Assemblée nationale, devrait une fois encore être reporté. Lors d’une réunion de conciliation à l’Élysée, lundi soir, avec les députés récalcitrants de la majorité, le président a sifflé la fin de la récréation en autorisant une nouvelle mouture plus « consensuelle ».


Aucun effet sur le pouvoir d’achat


Parmi les points de compromis, les magasins pourraient ouvrir leur devanture dix dimanches par an au lieu de cinq actuellement, et tous les dimanches dans les « zones touristiques élargies », dans les zones frontalières et dans les municipalités bénéficiant déjà de dérogations préfectorales. Une solution qui résout à la fois le problème de Plan de Campagne, vaste zone commerciale située entre Aix-en-Provence et Marseille où les salariés travaillent tous les dimanches depuis quarante ans en toute illégalité, et celui des députés UMP du Rhône, hostiles à l’ouverture des zones commerciales de l’agglomération lyonnaise.

Exit, donc, la formule prévue initialement dans le texte qui permettait d’ouvrir tous les dimanches les « zones d’attractivité commerciale exceptionnelle » des grandes agglomérations de plus d’un million d’habitants. Une marche arrière qui permet à Nicolas Sarkozy de sauver l’essentiel : imposer un nouveau choix de société où le dimanche deviendrait un jour banal.

« Toutes les sociétés ont besoin de marqueurs de temps. Le dimanche doit rester un jour différent des autres, car il marque le passage de la semaine et un rythme collectif qui permet à l’individu de redémarrer », pointe le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS. D’autant que l’argument économique, selon lequel ouvrir le dimanche représente un jour de plus de consommation, est largement contesté. Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie datée de novembre, si 43 % des Français sont prêts à « faire des achats le dimanche », ils renonceront à faire leurs courses la semaine. « On s’attend à ce que l’effet net de la libéralisation de l’ouverture du dimanche sur la demande globale adressée au commerce soit très limitée », précise l’étude. Déjà en février 2007, le Conseil économique et social affirmait que « la consommation dépend du pouvoir d’achat et que l’effet d’entraînement provoqué par l’ouverture du dimanche ne serait qu’un déplacement dans le temps d’une dépense qui ne varie pas, sauf à solliciter davantage l’épargne ou le crédit, et ne serait qu’un transfert entre commerces ouverts et fermés ».

Les syndicats sont vent debout contre ce projet de loi. Particulièrement pour dénoncer la notion de volontariat, qui n’est qu’un « affichage » car il ne tient pas compte de la réalité des relations existantes entre les salariés et les employeurs. Pour calmer les esprits, le gouvernement agite un « droit de refus », qui ne pourrait motiver un licenciement. « 63 % des Français n’y croient pas.

85,3 % des cadres supérieurs pensent d’ailleurs que les salariés n’auront pas la possibilité de refuser si l’employeur leur demande. Le contrat de travail est avant tout un contrat de subordination », argumente Joseph Thouvenel, de la CFTC. Sur le terrain, les syndicats constatent que les salariés acceptent de renoncer à leur repos dominical pour des raisons de pouvoir d’achat. « Avec des salaires plus élevés, ils n’auraient pas besoin de travailler le dimanche pour boucler leurs fins de mois », développe Michèle Chay, secrétaire générale de la fédération CGT du commerce et des services.


La gauche prête à siéger à Noël


Le président dit du « pouvoir d’achat » avait annoncé lors d’un discours que le travail du dimanche ferait « l’objet de contreparties ». « Dans le texte, le paiement double est prévu seulement dans les entreprises dépourvues de délégué syndical où aucun accord collectif n’est applicable. Il n’y aura donc pas de paiement double de l’ensemble des salariés, contrairement à ce qu’annonce le gouvernement. Prenons l’exemple des magasins d’ameublement. La convention collective prévoyait une majoration le dimanche quand celui-ci était exceptionnel. Depuis la loi Chatel du 3 janvier 2008, le travail du dimanche n’est plus exceptionnel, donc plus aucune majoration n’est accordée aux salariés », s’insurge Michèle Chay. Sur les trois millions de Français qui travaillent déjà habituellement le dimanche, à peine plus de la moitié bénéficient d’une rémunération majorée.

Au Parlement, les syndicats seront relayés par les députés de gauche, qui annoncent une « opposition acharnée ». À ce jour, plus de 4 000 amendements ont été déposés sur ce texte.

Boostée par le recul sur la réforme des lycées, la gauche est remobilisée. Les députés communistes exigent « le retrait de ce texte et feront tout pour empêcher son adoption », prévient Roland Muzeau (PCF). « Si besoin, les députés de gauche siégeront le dimanche 21 décembre, voire le jour de Noël, car ils ont bien l’intention de s’opposer à cette loi dangereuse », promet de son côté Christian Eckert (PS).


Clotilde Mathieu

Tag(s) : #Société
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