Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Politique - Article paru le 12 décembre 2008 dans l'Humanité

 

« Ikea veut nous faire payer deux fois la crise » !



Commerce . Les employés du magasin Ikea de Franconville (Val-d’Oise) sont en grève depuis une semaine pour leurs salaires et leur prime d’intéressement. Le mouvement pourrait s’étendre.


Avec une fortune estimée à 22 milliards d’euros et un chiffre d’affaires en hausse de 7 % en 2008, le patron d’Ikea, la célèbre enseigne
suédoise d’ameublement, ne connaît pas la crise. En revanche, les salariés, eux, la subissent de plein fouet. Cette année, leur prime annuelle d’intéressement a été amputée de plus de moitié. « On a touché 400 euros contre 1 500 euros l’an passé », s’insurge Dominique Nikonoff, délégué FO du personnel du magasin de Franconville, dans le Val-d’Oise.
Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres, alors même que les négociations salariales annuelles sont au point mort. Du coup, depuis une semaine, une majeure partie du personnel est en grève. Samedi dernier, jour de grosse affluence, plus de 80 % des employés s’étaient déclarés grévistes. Signe manifeste de la grève : des rayons à moitié approvisionnés et des files d’attente plus longues que d’habitude aux caisses.


« Je comptais sur cet argent »


Inlassablement, les manifestants se relaient tous les jours devant le piquet de grève, installé devant l’entrée principale du magasin, sous le regard d’un huissier mandaté par la direction. Des calicots et une grosse boîte en carton servant de promontoire aux tracts informent les clients - souvent impassibles - du mécontentement des salariés. Il y a deux jours, le nombre de grévistes tournait autour des 50 %. « Une semaine de grève, avec nos bas salaires, c’est dur », reconnaît Caroline Stéphanou, secrétaire du comité d’entreprise. « Mais on lâchera pas », surenchérit Camara Massa, jeune vendeuse de vingt-trois ans en CDI depuis un an. « Je pensais avoir 1 500 euros de prime, et je n’ai touché que 208 euros.

J’avais des projets. Je comptais sur cet argent. »


Outre la baisse des primes de fin d’année, l’autre point d’achoppement concerne les augmentations de salaires : « On nous propose entre 0,5 et 2,5 % d’augmentation alors que nous revendiquons 4 %. C’est un minimum par rapport au chiffre d’affaires et aux horaires décalés (nocturne et week-end) que nous faisons », explique Samina, vendeuse au rayon salle de bain. Autre crainte : la suppression de tous les CDD et la disparition des caissières. « La direction envisage de mettre des caisses automatiques pour diminuer le nombre de caissières », s’insurge Rami Guetati, étudiant en CDI à temps partiel.


Les ventes ne fléchissent pas


« C’est une décision nationale qui résulte des objectifs non atteints », justifiait récemment le directeur du magasin de Franconville, qui ajoute : « Ikea préfère jouer la carte de la prudence afin de préserver les emplois, vu les temps qui courent. » Autant d’arguments qui ne tiennent pas la route, selon les salariés. « En temps de crise, on pourrait éventuellement comprendre qu’on diminue nos primes, mais, ici, ce n’est pas le cas, puisque le magasin va terminer l’année avec un dépassement d’objectif de 11 millions d’euros (136 millions d’euros contre 125 millions d’euros) », estime Dominique Nikonoff. « La direction nous parle de la crise, mais la crise ne nous concerne pas vu qu’Ikea n’est pas coté en Bourse. Et pour l’instant, les ventes ne fléchissent pas », rapporte Samina, rappelant que la succursale de Franconville est la plus grande d’Europe. « Ikea veut nous faire payer deux fois la crise, craint le délégué du personnel. Une fois par anticipation et une autre fois l’an prochain. »

Pour l’instant, la réponse de la direction est claire : c’est non à toutes les revendications. Mais les grévistes veulent tenir bon. « On est prêts à tenir jusqu’à samedi. Ce qui est primordial, c’est de faire bouger les salariés des autres magasins, en Île-de-France comme en province », espère Caroline, pleine d’espoir. Hier, le magasin Ikea de Paris-Nord a rejoint le mouvement.


Alexandra Chaignon

Tag(s) : #Economie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :