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Politique - Article paru le 18 septembre 2008 dans l'Humanité

On achève bien les services publics



Désertification . Le « déménagement » des territoires est à l’oeuvre dans l’Oise : tribunaux, régiments militaires, hôpitaux… Tout disparaît alors que les besoins sont de plus en plus criants.

La nouvelle est tombée hier. Nicolas Sarkozy se résout à prendre le pouls des citoyens sur l’avenir de La Poste. Pas par le biais d’un référendum, ni en se donnant les moyens d’un vaste débat public, ce que réclament les syndicats, nombres d’élus et d’associations, mais en mettant en place une commission composée de parlementaires, d’élus locaux et de syndicats. Les opposants à la privatisation viennent de marquer un point. L’ouverture du capital de La Poste n’est-elle pas en train de cristalliser un trop-plein de privatisation ? Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les vagues se succèdent et fonctionnent à chaque fois sur la promesse qu’avec la concurrence,

Les prix vont baisser, les entreprises seront plus compétitives et le service rendu ne sera pas dégradé. Tout le contraire est arrivé au point qu’aujourd’hui, le doute s’installe et la privatisation de France Télécom est de plus en plus mise en avant comme « l’exemple à ne pas suivre ».Et puis, les réformes en cours, nombreuses et cumulatives, promettent de créer sur des centaines de kilomètres de véritables jachères de services publics. Réforme de la carte militaire, réforme de la carte judiciaire, nouvelle carte hospitalière, fermetures de gares de fret (dont nous publions les cartes) mais aussi, Révision générale des politiques publiques (RGPP), fusion des impôts et de la comptabilité publique, fusion ANPE/ASSEDIC, resserrement des administrations centrales, menaces sur les sous-préfectures, sont autant de projets qui portent des coups mortels aux principes qui ont jusqu’alors animé les services publics en France : proximité, égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire, statut des agents et des fonctionnaires qui garantit contre l’arbitraire et permet de résister à la marchandisation du bien commun.

Paule Masson
Creil (Oise) envoyée speciale


Menaces sur les hôpitaux de Creil et de Clermont ; disparition du tribunal d’instance de Clermont, regroupé avec celui de Beauvais ; fusion du greffe de Creil avec celui de Senlis ; dissolution du 41e régiment de transmissions de Senlis fin 2010 ; délocalisation du régiment de marche du Tchad de Noyon vers Colmar d’ici à 2011… En quelques mois, le département de l’Oise a subi un « déménagement » du territoire sans précédent. Et c’est sans compter les coupes dans l’éducation nationale, les restructurations des bureaux de poste ou encore les disparitions d’antennes DDE, comme ce fut le cas il y a quelques années à Clermont.

Si l’on ne regarde que la carte militaire, ce sont 2 993 emplois directs qui sont concernés dans l’Oise. Si l’on ajoute les familles, ce sont environ 5 000 familles qui sont appelées à quitter le département, ce qui mettra indubitablement à mal le tissu économique et artisanal.

Cumul de réformes


Comme l’a souligné il y a quelques mois Claude Gewerc, président (PS) de la région Picardie, « l’État doit assumer toutes ses responsabilités. Il ne serait que justice que le départ d’un service public soit compensé par d’autres services publics ». Le problème, c’est que la tendance est au désengagement de l’État. La preuve : en superposant les cartes liées aux réformes militaire et judiciaire (déjà en vigueur) avec la future carte hospitalière, on s’aperçoit que certains territoires sont en voie de désertification. Alors que les besoins sont de plus en plus criants.

Il suffit de se focaliser sur un triangle reliant Creil, Senlis et Clermont. À elles seules, les trois villes cumulent toutes les réformes. Clermont est sans doute la plus mal lotie. Alors que Creil conserve sa base aérienne, qui devrait d’ailleurs être renforcée avec l’arrivée d’une partie du personnel du régiment de Senlis, Clermont a perdu son tribunal d’instance il y a huit mois. Ce n’est pourtant pas faute de mobilisation de la part des élus locaux, des personnels du tribunal et des usagers. Conséquence immédiate : « Nous avons ici à Clermont un hôpital psychiatrique important, avec beaucoup de gens sous tutelle. On travaillait donc régulièrement avec le tribunal. Maintenant, il faut se déplacer », expose Denis Dupuis, membre du comité de vigilance de l’hôpital de Clermont, fervent défenseur des services publics. « Les gens ne comprennent pas qu’on leur retire un service public de proximité, les obligeant à faire 30 kilomètres pour bénéficier du même service », poursuit le militant. Idem pour l’hôpital, menacé depuis des années faute de financements suffisants. « Aujourd’hui, l’ARH nous dit que l’hôpital n’effectue pas assez d’actes chirurgicaux. Mais si on ferme la chirurgie, la maternité va suivre. » Une maternité qui a pourtant augmenté de 300 à 500 le nombre d’accouchements annuels.

Hôpital sous perfusion


S’il advenait que la chirurgie et la maternité de Clermont ferment ou même des services de l’hôpital de Senlis, lui aussi dans la ligne de mire du gouvernement, la population se retournerait sur l’hôpital de Creil.

« Impossible. Nous n’en avons pas les moyens », répond Loïc Pen, médecin urgentiste au centre hospitalier de Creil et membre du comité de défense de l’établissement. « L’hôpital est sous perfusion, l’agence régionale d’hospitalisation donnant la priorité au financement des cliniques privées. La direction rogne donc sur les dépenses de personnel et les embauches. Des patients séjournent parfois jusqu’à quarante-huit heures sur des brancards aux urgences », énumère le médecin. « Quand on ferme un service, on ne donne pas plus de moyens à l’hôpital pivot », déplore Éric Montès, conseiller régional PRG. « On organise le désert sanitaire. »

De l’avis de Jean-Claude Villemain, maire (PS) de Creil, sa ville ne s’en sort « pas trop mal » avec les réformes, même si elle doit se battre au quotidien pour obtenir des classes supplémentaires ou encore défendre ses bureaux de poste. « Ce n’est pas rassurant », précise-t-il pour autant. « Pour une ou deux villes qui disposent encore de quelques services publics, comme c’est plus ou moins le cas dans l’agglomération creilloise, c’est toutes les autres qui se trouvent démunies. Je pense à Senlis, Compiègne ou encore Noyon. Entre Clermont et Amiens, c’est le désert sanitaire », donne-t-il pour exemple. D’où l’importance de se battre, surtout dans une région où, selon l’INSEE, un Picard sur huit vit sous le seuil de pauvreté. « Dans le bassin de Creil qui couvre 350 000 habitants, soit plus du tiers de la population de l’Oise, la précarité est très élevée. C’est pourquoi les services publics sont vitaux », surenchérit Paul Cesbron, président du Comité de défense de l’hôpital de Creil.

Alexandra Chaignon

Tag(s) : #Services publics
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