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Politique - Article paru le 1er juillet 2008 dans l'Humanité

Souffrance au travail

Les dérives du contrôle médical de la Sécu

Témoignage d’un agent administratif d’une caisse de Sécurité sociale.

« Les arrêts sont reçus dans le service, soit directement soit transmis par la CPAM. Tous sont passés plus ou moins à la loupe. Certaines pathologies (cancer, grossesses pathologiques) sont laissées de côté tandis que d’autres (parmi les plus célèbres : troubles dépressifs et lombalgies) font l’objet d’un contrôle systématique. La plupart des arrêts reçus étant de courte durée (1, 3 ou 5 jours), difficile, en tenant compte des délais postaux, de convoquer les assurés avant qu’ils aient repris le travail ! Mais le problème semble résolu : désormais, les malades consciencieux qui auront mis leur numéro de téléphone sur le formulaire d’arrêt de travail seront convoqués par téléphone (on gagne 48 heures d’acheminement de courrier !) ; si le téléphone n’est pas renseigné, il arrive que la convocation soit portée directement auprès de l’assuré par un agent assermenté.

À propos du contrôle des échéances, qui concerne les arrêts de longue durée, les arrêts qui ont atteint ou dépassé une certaine durée - 45 jours, 120 jours et 18 mois - sont systématiquement contrôlés. Les échéances sont soit mentionnées dans nos logiciels de saisie, soit signalées par la CPAM. Elles impliquent un nouvel examen de la situation des assurés, voire une nouvelle convocation. Pour l’échéance à 45 jours, qui était à 60 jours avant, il s’agit de dépister les arrêts qui vont s’installer dans la durée. L’échéance à 120 jours doit servir à réexaminer la situation de l’assuré deux mois avant les six mois d’arrêt au bout duquel le médecin prescripteur est tenu d’établir un protocole de soins avec le médecin conseil de la Sécurité sociale.

Tout neuf, le contrôle à 18 mois d’arrêt mérite qu’on s’y arrête un instant. La loi prévoit qu’on peut être en arrêt de travail pendant trois ans maximum. À la suite de quoi, soit on est apte à reprendre un boulot, soit on bascule en invalidité. Désormais, on demande au médecin conseil du contrôle médical de ne plus attendre les trois ans, mais d’envisager la mise en invalidité de l’assuré au bout de 18 mois ! Sachant qu’une pension d’invalidité catégorie 1 équivaut à 30 % du salaire, une catégorie 2 à 50 %. Bonjour la perte sèche pour l’assuré par rapport à ce qu’il peut toucher au titre des indemnités journalières (IJ). C’est une crapulerie à double titre : d’une part, cette disposition ampute le malade d’une partie conséquente de ses revenus ; mais, d’autre part, elle sert les comptes de la Sécurité sociale. Il faut savoir que, chaque année, le Parlement vote l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie), dans lequel apparaissent les IJ mais pas l’invalidité. Du coup, en transférant une partie des prestations versées au titre des IJ dans le champ de l’invalidité, on les fait tout simplement disparaître ! Le gouvernement pourra ensuite se targuer d’avoir fait baisser le nombre des arrêts de travail. C’est la même méthode qui est utilisée avec les chômeurs radiés.

Le flicage des arrêts de travail est une véritable fumisterie. Tous les acteurs du secteur médical savent pertinemment que les abus en la matière sont quasiment inexistants. Mais, dans les services du contrôle médical, chaque nouvelle disposition est appliquée avec un zèle alarmant. Les médecins conseils sont d’une docilité et d’une passivité alarmante. Bourrage de crâne (toutes ces dispositions sont mises en place « pour le bien des assurés et pour sauver la Sécu »), poids de la hiérarchie, avancement personnel… Tout est bon pour que l’inertie règne en maître. En attendant c’est toujours les mêmes qui morflent. »

Tag(s) : #Santé
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