Avis de tempête sociale à Météo France !

Prévenir des grutiers bretons de rester au sol par gros temps, anticiper les quelques centimètres de « neige collante » qui peuvent suffire à perturber le périph parisien, ou alerter au plus vite les zones rurales lors de la tempête de 1999 : Météo France, ce n’est pas qu’une carte à la fin du JT. « Notre image de marque provient en grande partie de notre implantation locale. Fermer un centre départemental sur deux est donc une erreur commerciale », argumente Emmanuel Cehlay, délégué (CGT) de Météo France. Dans cet établissement public, prévisionnistes, climatologistes, techniciens et commerciaux voient venir le grain. Ils sont de nouveau en grève aujourd’hui et un rassemblement a lieu, à 11 heures, devant le ministère de l’Écologie, à l’appel de l’intersyndicale (CGT, Solidaires, FO). Ils s’opposent à la fermeture de plus de la moitié des centres météo locaux d’ici à 2017, orchestrée par le PDG, Pierre-Étienne Bisch. Ce plan de diminution des coûts, qui s’inscrit dans la révision générale des politiques publiques (RGPP), aura lieu en deux temps. D’ici trois ans, seulement 130 postes sur 3 700 seront supprimés par le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. D’ici 2017, ce sont 500 emplois qui sont menacés. « Le PDG, en bon élève de la RGPP, manoeuvre tout en douceur, car beaucoup d’employés sont encore loin de la retraite. Mais nous sommes persuadés qu’il va ensuite passer à la vitesse supérieure », soutient Valérie Cendrier (Solidaires). Les syndicats dénoncent la « logique comptable », rejoignant en cela le reste de la fonction publique visée par la RGPP.

De la neige à Dinard, en juin

Pierre-Étienne Bisch applique le rapport de la Cour des comptes de 2005. Les auteurs de ce rapport faisaient mine de s’étonner du nombre d’employés de Météo France, deux fois plus important que celui de son homologue britannique, le MetOffice, tout en reconnaissant les grandes « performances techniques » de l’organisme public. Pour préserver la qualité des prévisions, le PDG mise sur les nouvelles technologies et plus précisément sur un programme informatique, Arome. Ce nouveau « modèle prévisionnel » permettrait de gagner en précision, de travailler à distance et de réduire tranquillement les effectifs. Les syndicats pensent exactement le contraire. « Pour être vraiment opérationnel, tout système automatisé nécessite une expertise humaine renforcée en aval », explique Emmanuel Cehlay. Et Valérie Cendrier de rapporter une anecdote qui court dans les couloirs de Météo France : « Un jour, un détecteur a mal interprété des intempéries et nous a signalé de la neige à Dinard, en plein mois de juin. Bien sûr, on a tout de suite relevé le bug, mais s’il avait eu lieu en janvier, ça aurait été une autre histoire. »

Concurrence accrue des sociétés privéés

La direction de Météo France, qui veut faire passer les recettes commerciales de 14,3 % à 15 % du budget, évoque aussi la concurrence accrue des entreprises privées. MeteoConsult et la Chaîne Météo ont certes conquis près de 10 % de parts de marché, notamment par le biais de leur site Internet. « Mais leurs prévisions ne sont pas du même domaine de fiabilité », soutiennent les syndicats, qui pointent également le fait que certains clients, comme le quotidien Ouest-France, sont revenus vers Météo France après un détour par le privé. Au-delà des considérations économiques, les syndicats déplorent surtout la fin d’un maillage serré du territoire français. De nombreux élus locaux, « même des UMP », ont apporté leur soutien à la mobilisation. Dans un communiqué, le PCF estime qu’« au moment où tous les experts s’accordent pour souligner que le dérèglement climatique va s’accentuer, il est évident que la France aura besoin d’un service public de météorologie efficace et moderne ».

Mehdi Fikri