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Politique - Article paru le 28 avril 2008 dans l'humanité

Editorial par Pierre Laurent

Des recettes d’un autre âge

Ils n’ont que le mot « modernisation » à la bouche et baptisent impunément de ce vocable toutes leurs réformes. Mais le drame est précisément qu’aucune de ces réformes ne prépare notre pays à affronter comme il se doit les défis de l’avenir. Le dossier des retraites est à ce propos l’un des plus caricaturaux. Le président a une nouvelle fois prétendu jeudi soir à la télévision que l’allongement de la durée de cotisation à 41 ans était la seule solution envisageable. Qu’est-ce que cela signifie ? Que pour l’idéologie capitaliste dominante, la seule réponse à l’allongement de la durée de la vie est l’allongement parallèle du temps passé à travailler. Cette logique, apparemment frappée au coin du bon sens, est en réalité une double impasse.

D’abord parce que les conditions actuelles d’exploitation du travail humain épuisent plus qu’elles n’épanouissent. Prétendre qu’il est possible sans dommage d’étendre cette période sans changer fondamentalement la conception du travail est un leurre. L’allongement de la durée de cotisation ne vise donc pas à accroître les recettes du système, mais tout simplement à accroître le nombre de ceux qui ne pourront prétendre à une carrière complète et donc à diminuer progressivement le montant des pensions versées. À bien y réfléchir, cet engrenage nous prépare même de graves catastrophes, puisqu’il consiste, au fur et à mesure que se développe la population retraitée, à augmenter en son sein le nombre de retraités pauvres.

Ensuite, comme le souligne l’entretien que nous publions, la logique patronale et gouvernementale fait l’impasse sur la révolution sociétale à laquelle nous assistons, et qui devrait nous conduire à penser autrement la vie, l’équilibre de ses différentes périodes, et la place de celle proprement consacrée au salariat en son sein. Or, pour ceux qui ne croient, comme l’a déclaré Nicolas Sarkozy à la télévision, qu’« au capitalisme et à la mondialisation », l’heure est plutôt à la rentabilisation extrême du travail humain qu’à sa libération. Ils nous parlent « modernisation », mais ne plaident en vérité que pour des recettes d’un autre âge, des recettes qui vieillissent de plus en plus mal, qui permettent de moins en moins de penser les défis d’un nouvel âge de la civilisation.

La ministre de l’Économie, Christine Lagarde, présente elle aussi aujourd’hui son projet de modernisation de l’économie. En réalité, là aussi, une seule recette : la mise en concurrence tous azimuts et les déréglementations qui l’accompagnent pour favoriser une impitoyable guerre des marchés. Or ces guerres, si elles favorisent par élimination les concentrations financières, ne sont en revanche de nature à répondre à aucun des enjeux de société que sont l’emploi, la formation, la réduction des inégalités, le développement durable. Là où il faudrait de la maîtrise publique, de la démocratie, de la mise en commun, du partage des coûts, l’hyper concurrence capitaliste n’encourage que la privatisation, la dictature des actionnaires, les égoïsmes financiers, les gâchis en tout genre.

Il faut faire cesser ce hold-up permanent sur les mots qui nous présentent comme les « modernes » ceux qui ne pensent qu’à défendre bec et ongles un système dangereux et à bout de souffle. Devant tant de besoins nouveaux, une autre logique doit émerger. Le sens du travail, de la création de richesses, de leur utilisation, le rôle des entreprises, leur contribution au bien commun, le pouvoir de ceux qui y travaillent doivent être repensés dans le sens du partage. Sinon, c’est l’impasse assurée, et même le scandale permanent, comme cette idée de financer le RSA en piquant dans la poche de ceux qui touchent la prime pour l’emploi. Le temps est venu de réinventer la démocratie sociale.

Tag(s) : #Politique
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