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Daniel Cirera : Le "non" n’a pas restructuré la vie politique française

Après la présidentielle, peut-on dire que le " non de gauche " a été une illusion ?

Daniel Cirera. Les faits sont là : le " non " a été très majoritaire à gauche. Ou plus exactement

il est devenu majoritaire à gauche et c’est un événement considérable. Parce qu’il y a eu montée de la conviction à partir de l’étude du texte, et basculement de l’opinion de gauche entre le traité

de Maastricht en 1992 et le TCE en 2005. Le " non " a été populaire, et de gauche parce que, progressivement, c’est la question sociale qui a été au coeur du débat. On sait aussi que 80 % des électeurs de droite ont voté " oui ". Cela traduit une politisation du débat sur l’Europe : le clivage pour ou contre l’Europe a été dépassé dans le débat politique, mais aussi à travers toutes les luttes syndicales qui, notamment depuis 1995, se sont heurtées de front au coeur de la politique nationale. Le " non " a été l’expression politique d’une part très importante de la population française, en majorité de gauche mais pas seulement, qui marque une crise de légitimité

de l’Europe telle qu'elle se construit et une critique très forte des politiques libérales menées ces dernières années.

Sur quoi portent vos critiques de l’analyse que le PCF a faite de cette victoire du " non " ?

Daniel Cirera. Sur le fait de vouloir faire du " non " un critère unique du clivage politique en France. On s’est vite aperçu qu’il y avait dans le " non " à gauche plusieurs options politiques.

Les Français répondent à chaque élection à la question qui est posée. Ils ont dit " non " au traité européen, ils se sont prononcés sur le président de leur choix à la présidentielle et sur autre chose encore lors des législatives. Le clivage entre oui et non ne superposait pas le clivage droite-gauche. Le " non " n’a pas restructuré la vie politique française. Au lendemain du référendum, il fallait s’appuyer sur la victoire du " non " pour s’adresser à toute la gauche afin qu’elle réponde à ce qui s’est exprimé dans le " non " : services publics, attachement au modèle social... C’est ce qui a été abandonné. Enfin il y avait besoin de poser avec tous la question de l’alternative à cette Europe. C’est au contraire le clivage entre " oui " et " non ", qui est devenu, dans l’orientation du Parti communiste, l’élément stratégique.

Le caractère de gauche du " non " aurait-il été surestimé ?

Daniel Cirera. Non, je ne crois pas, mais le " non " a été majoritaire en France parce qu’il y a une crise de légitimité du projet européen. Il devait, dans l’esprit des Français, nous protéger de la mondialisation, du marché débridé, de l’ultralibéralisme, de la domination américaine. Mais l’Europe telle qu’ils l’ont vécue a été celle de la déréglementation, des démantèlements industriels, et elle n’a pas permis d’affirmer notre place dans le monde.

Il y a donc eu un " non " qui, à droite, n’était pas antilibéral mais posait la question de la place de la France dans le monde et, à gauche, un " non " qui posait les questions sociales de l’emploi, du niveau de vie, des inégalités... Le " non " majoritaire a été l’expression,à un moment structurant de la vie politique, d’une exaspération devant des politiques incapables de répondre, au plan national comme européen, aux angoisses et aux attentes, et de donner espoir.

Comment la gauche et le PCF devraient-ils relancer le débat européen quand Nicolas Sarkozy propose son traité simplifié ?

Daniel Cirera. D’abord en disant : à traité nouveau, nouveau référendum. Ensuite en disant qu’il y a effectivement besoin d’un nouveau traité, qui rompe avec le socle libéral des traités précédents. Enfin, à travers des combats très concrets, il faut faire grandir d’ici la présidence française

de 2008 et les européennes de 2009, l’idée d’une inversion des choix, pour mettre au coeur de l’Europe le social, les services publics, un nouveau modèle de développement incluant les transformations écologiques, et la démocratie.

Entretien réalisé par Olivier Mayer paru dans l'Humanité du vendredi 22 juin 2007

Tag(s) : #DEBAT après le 17 juin 2007
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