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Élections régionales : mener le débat

Patrick Le Hayric
Jeudi, 12 Novembre, 2015
Humanité Dimanche

Les élections régionales des 6 et 13 décembre prochains seront l'occasion d'une première expression démocratique, après la refonte des institutions de la République initiée par la réforme territoriale, votée par le Parlement sans débat public.

Si le débat portait sur leurs enjeux réels elles gagneraient une certaine spécificité par rapport aux scrutins municipaux, départementaux et européens qui les ont précédées. Mais comme pour ces derniers, il y a fort à parier que les considérations liées à la politique gouvernementale vont jouer un rôle important dans la décision de participer ou non au vote et dans le choix de celles et ceux qui se rendront aux urnes. C'est d'autant plus prévisible, que, d'une part, un puissant mécontentement et un rejet plus ou moins confus du système politique dominant taraudent la société et que, d'autre part, nombreux sont celles et ceux dans les catégories les plus populaires, et donc parmi celles et ceux qui auraient le plus besoin de changement de gauche, avouant ignorer les enjeux réels de ces élections.

Elles vont pourtant être d'une grande importance pour leur vie quotidienne mais aussi pour l'évolution du paysage politique. Avec 13 nouvelles régions métropolitaines d'une envergure inédite, c'est l'architecture du territoire national qui se métamorphose et donc le visage de la République !

La campagne, sur fond de tripartisme et de promotion éhontée des idées d'extrême droite, s'enlise dans la vaine polémique de manière à détourner le regard des citoyens des enjeux fondamentaux en question.

Les nouvelles régions sont en effet dotées de compétences cruciales pour l'avenir du pays et vont indiscutablement être d'importants leviers du développement économique, territorial et du développement social si les populations s'en donnent l'ambition.

Les régions, qui géraient déjà le réseau des TER, se voient confier la gestion des transports scolaires, des gares routières, des transports interurbains par cars, ainsi que des transports ferroviaires d'intérêt local. Elles auront seules la responsabilité d'accorder des aides directes aux entreprises et joueront un rôle prépondérant en matière d'aménagement du territoire, d'environnement et de formation professionnelle. Elles assureront la coordination avec l'État sur les questions liées à l'emploi.

Les libéraux qui tiennent les institutions européennes sous leur férule ne s'y trompent pas qui, en poussant à la concentration des compétences à l'échelle régionale, comptent en faire le cheval de Troie de l'austérité et des politiques néolibérales. Et il est à craindre qu'en recevant les subsides de l'Union européenne, les nouvelles régions se conforment au modèle austéritaire imposé par la Commission européenne et aux injonctions à privatiser toujours plus la richesse créée par l'ensemble de la société au prix de nouvelles inégalités. C'est pourquoi l'élection de représentants combattant l'austérité ­ comme l'ont fait les 177 conseillers régionaux du Front de gauche ­ au sein des nouvelles régions est d'un enjeu vital pour chacune et chacun.

Plus nombreux, ils pourraient faire des régions des boucliers contre l'austérité, impulser des politiques nouvelles créatrices de travail, soutenir et promouvoir la culture et la création culturelle, l'école et la formation, avec de nouveaux choix pour la jeunesse dont une partie grandissante n'est ni à l'école, ni au travail, ni en formation. Il faudrait d'urgence que cesse cet insupportable gâchis.

La semaine dernière, une étude alarmante publiée par « France Stratégie » pointait le lien étroit entre la promotion sociale et les inégalités territoriales.

Pour les individus d'origine populaire, la possibilité de se hisser socialement est étroitement liée au niveau d'éducation et aux offres de formations dans les territoires. Ainsi, la possibilité pour un enfant d'ouvrier de devenir cadre ou ingénieur est corrélée à l'obtention de diplômes de l'enseignement supérieur, à la présence d'universités, d'instituts de formation professionnelle à proximité de son lieu de résidence. La répartition de l'offre de for mation, des universités comme des instituts universitaires de technologie sur l'ensemble du territoire sera donc un enjeu décisif pour inscrire l'égalité d'accès aux études supérieures et réduire les inégalités d'origine sociale. Les institutions ne prêtent pas l'attention nécessaire à la jeunesse et à l'enfance : les crèches comme les écoles maternelles dont le rôle est trop sous-estimé.

Question qui mériterait de faire l'ouverture des journaux télévisés ! Et qui entraîne immédiatement celle de garantir que les nouvelles régions ne concentreront pas toutes les infrastructures, la majorité des emplois et des offres de formation autour de leur capitale régionale, au détriment des territoires encore plus éloignés des centres de pouvoir et de décision ?

On touche là à l'impérieuse nécessité de revivifier une démocratie aujourd'hui abîmée par les pratiques dominantes de la politique que rejettent nos concitoyens qui souhaitent être entendus et respectés. Cette ambition est indissociable des efforts considérables à produire pour promouvoir l'égalité.

Aujourd'hui, les inégalités se renforcent, avec la baisse des dotations, ajoutée à la métropolisation qui rend précaire la vie des territoires. Des élus progressistes et du Front de gauche nombreux contribueront à ce que la marche vers l'égalité des territoires et l'impulsion de la démocratie citoyenne ne soient pas des engagements sans lendemain.

Réduire les inégalités territoriales pour garantir l'égalité d'accès au travail, à la formation, à l'éducation, à la création, tel est le coeur du projet républicain contre la mise en concurrence imposée par les institutions européennes alliées aux forces d'argent. Orienter l'argent et la croissance vers les besoins sociaux et environnementaux, moduler les aides publiques aux entreprises en fonction de leur politique sociale, salariale, de leurs efforts en direction de l'emploi ou pour préserver l'environnement, autant de grands enjeux auxquels assurer une place beaucoup plus importante dans le débat public. Il en est ainsi de la promotion de services publics modernisés, humanisés, démocratisés,à rebours des orientations actuelles.

Au fond, c'est la vie de chacune et de chacun qui est en cause, dans ses aspects les plus quotidiens comme dans ses perspectives d'avenir. En laisser décider des élus de droite qui veulent en rajouter sur ce qui est déjà insupportable au nom du « tout-business » et qui visent la conquête du pouvoir d'État, ou donner encore plus de poids à l'extrême droite raciste et xéno phobe qui ne rêve que de l'élection présidentielle, contribuerait à tout aggraver pour le monde du travail et de la création.

À tout aggraver dans une France qui s'est déjà beaucoup éloignée des valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité. Accorder sa confiance à des candidates et candidats qui, dans leur activité d'élus, entendent leur rester fidèles, mérite donc qu'on y accorde de l'attention et d'en discuter autour de soi. Il reste moins d'un mois pour le faire.

http://www.humanite.fr/

Élections régionales 2015 : mener le débat !
Tag(s) : #Elections régionales 2015
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