La France a annoncé ce vendredi qu'elle avait suspendu la veille les exportations de matériel de sécurité à destination de la Libye et de Bahreïn, où la contestation contre les régimes en place s'est amplifiée ces derniers jours, faisant plusieurs morts parmi les manifestants. Paris suit ainsi de quelques heures la même décision que celle prise par l'Angleterre qui entend réexaminer les licences d'exportation d'armes vers le Bahreïn.
- Usage excessif de la force pour Paris et Londres
Le gouvernement français réagit pour ces deux "clients" un peu plus vite qu'il ne l'avait fait pour la Tunisie de Ben Ali [1]. Il avait fallu attendre le 14 janvier, soit trois semaines après le début de la Révolution de jasmin, pour que les livraisons [2] de grenades lacrymogènes en provenance de l'hexagone et en direction des forces de répression du dictateur déchu, soient arrêtées. La suspension des autorisations d'exportation de matériel sécuritaire à destination de Bahreïn et de la Libye intervient un jour après que Paris a déploré "l'usage excessif de la force ayant entraîné plusieurs morts ainsi que de nombreux blessés" à Bahreïn, en Libye et au Yémen.
Même euphémisme du côté de l'Angleterre. Jeudi matin, son ministre britannique des Affaires étrangères William Hague avait appelé sans rire la police de Bahreïn à "faire preuve de retenue" et "encouragé" le régime de cette petite monarchie du Golfe à mener des réformes. Un peu plus tard, Alistair Burt, le secrétaire d'Etat chargé du Moyen Orient, a annoncé: "Nous n'autoriserons aucune exportation qui, d'après nos évaluations, pourrait provoquer ou prolonger des conflits régionaux ou internes, qui pourrait être utilisée pour faciliter la répression interne ou qui serait d'une quelconque manière contraire aux critères" définis par le Royaume Uni et l'Union européenne.
On se demande bien de quels critères il s'agit. Les matraques, gaz lacrymogène et autres instruments de police sont bien fabriqués pour maintenir l'ordre défini par le pouvoir en place, en l'occurrence l'ordre de régimes peu démocratiques.
- Deux morts au Yémen
Ce vendredi, au Yémen, deux manifestants ont été tués et 27 autres blessés dans une attaque à la grenade contre un rassemblement antigouvernemental dans la ville yéménite de Taez, à 270 km au sud-ouest de Sanaa. La grenade a visé un rassemblement de milliers de personnes qui campaient, pour la septième journée consécutive, sur un carrefour de Taez rebaptisé "Place de la liberté", pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh.
Le reportage d'Euronews
- Quatre morts à Bahreïn
A Bahreïn, plusieurs milliers de chiites se sont rassemblés ce vendredi pour enterrer trois des leurs, tués lors d'une répression ordonnée par la famille régnante pour tenir en échec une vague de manifestations inspirée par l'Egypte. Quatre manifestants ont été tués et 231 autres blessés jeudi lors d'une intervention de la police anti-émeute, venue disperser des militants rassemblés place de la Perle, dans le centre de Manama. Il y a eu des dizaines d'arrestations.
- Au moins 16 morts en Libye
En Libye, trois détenus ont été tués par les forces de sécurité alors qu'ils tentaient de s'évader de la prison d'El-Jedaida, près de Tripoli. Les comités révolutionnaires, pilier du régime libyen, ont menacé les "groupuscules" manifestant contre Mouammar Kadhafi [4], au pouvoir depuis plus de 40 ans, d'une riposte "foudroyante", alors que la répression de la contestation a fait au moins 16 morts [5] depuis mardi. Les manifestations, dont celui de jeudi qui répondait à un appel sur internet à une "journée de la colère", ont été violemment réprimés notamment à Benghazi, la deuxième plus grande ville du pays et bastion de l'opposition, et Al-Baïda, toutes deux situés sur la côte, à l'est de Tripoli. Des protestations ont eu lieu également à Tobrouk, près de la frontière égyptienne. Des manifestants ont incendié un local des comités révolutionnaires et détruit un monument représentant le "livre vert", condensé de la pensée politique du Guide de la révolution et une sorte de Constitution instituant la "Jamahiriya" ou le pouvoir des masses.
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