Humanité Quotidien
5 Septembre, 2011
En quelques jours, la RATP aura franchi les lignes rouges. Après le tramway de la honte chargé de ramener les Roms expulsés jusqu’à la gare, ce sont cette fois les grévistes qui sont la cible des nouvelles pratiques de l’entreprise publique. La RATP envisage d’offrir une prime de 100 euros par mois, soit 1 200 euros, à 150 cadres ou agents de maîtrise qui accepteraient « volontairement » de se former à la conduite des RER et du métro. Et ainsi de remplacer au pied levé les conducteurs grévistes, quel que soit le nombre de jours de « remplacement ». Le but de ce « projet », avancé par la régie, qui consisterait à « officialiser une pratique utile à la cohésion sociale et à la bonne compréhension des règles complexes de l’exploitation ferroviaire », ne trompe pas les syndicats.
«Le stade des discussions doit déjà être dépassé », explique Jean-Christophe Duprat, du syndicat SUD, dans le Figaro. En effet, « 84 cadres, sur les 150 volontaires espérés par la direction, sont actuellement en formation », affirme-t-il. Même son de cloche à la CGT : « Depuis la grève de 2009, beaucoup de cadres sont formés et les nouveaux agents de maîtrise ont un contrat de travail qui rend cette disposition obligatoire. Ce n’est même plus du volontariat », dénonce Catherine Machette, déléguée d’établissement. Selon la conductrice du RER A, la direction avoue qu’elle n’utilisera ces néophytes qu’en cas de grève uniquement.
« C’est une mesure discriminatoire car il s’agit de remplacer un gréviste qui va perdre de l’argent par un cadre volontaire qui, lui, va en gagner ! » note Pascal Lepetit, de SUD RATP. « Il est particulièrement choquant de constater que l’argent est absent pour les revendications salariales, sociales ou pour l’emploi mais qu’il soit possible de financer un tel projet », s’insurge la CGT RATP dans son communiqué.
Pour le syndicat SUD, cette attaque dessine les prémices d’une année sociale soutenue. « Si la direction commence à s’organiser pour faire face à la grève, c’est qu’elle anticipe des conflits sociaux. On peut imaginer par exemple qu’elle entende revenir prochainement sur les accords de réduction du temps de travail », anticipe Jean-Christophe Duprat.
Outre l’atteinte au droit de grève, les syndicats s’inquiètent du risque pour les usagers. « Aujourd’hui, un conducteur de RER doit avoir travaillé dix ans dans le métro et effectuer une formation de soixante jours alors que le cadre, lui, a seulement vingt-huit jours de formation, s’alarme Catherine Machette. C’est un métier, on ne s’improvise pas conducteur de RER ! » Pour sa défense, la direction précise que les cadres ou agents de maîtrise volontaires devront avoir leur habilitation à la conduite, renouvelée tous les six mois, comme c’est le cas de tous les conducteurs. Mais la syndicaliste de la CGT a franchement des doutes sur le sérieux de ce nouveau permis de conduire. « Nous n’avons toujours aucune information sur le contenu de la formation et de l’examen », relève-t-elle.
Service minimum : effets pervers. Depuis 2008, la RATP comme la SNCF ont mis en place un service minimum en période de grève « de 50 % ou 25 % par réseau », et une information aux voyageurs « quarante-huit heures, puis vingt-quatre heures » avant un conflit. Les salariés sont eux contraints de déclarer leur préavis de grève individuellement quarante-huit heures à l’avance. En 2009, après plus de deux semaines de conflit à la RATP marqué par l’inflexibilité de la direction, le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, avait alors déclaré que l’application de la loi sur le service minimum n’était pas « satisfaisante ».