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Régulation bancaire : ce qu'il en est pour les salariés, les collectivités et les consommateurs

 

 Les bagarres syndicales ont déjà commencé. photo R.T.
Les bagarres syndicales ont déjà commencé. photo R.T.
Destiné à éviter les activités les plus spéculatives des banques, le projet de loi sur la régulation bancaire arrive devant l'Assemblée Nationale. Ces nouvelles régulations touchent au plus près les salariés, les collectivités et les consommateurs.
Pour les salariés. FO craint une instrumentalisation des réglementations pour opérer un dégraissage.

370 000 salariés aujourd’hui, demain ?
La fédération FO banques craint que les nouvelles règles imposées aux banques soient « instrumentalisées par les dirigeants pour supprimer des emplois ». Le syndicat n’est pas contre le projet de loi, bien au contraire. Estimant qu’il va « dans le bon sens », il voudrait cependant le voir « complété » et être « plus audacieux », notamment sur les paradis fiscaux, les bonus des traders et les salaires « pharaoniques » des dirigeants.
Les craintes sur des licenciements ne sont pas sans fondement. Dès 2012, les quatre grands groupes français – BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et Natixis – ont dit vouloir réduire la voilure pour faire face aux demandes des investisseurs mais aussi des régulateurs. Une régulation émanant de Bruxelles qui avec Bâle III demandait à ce que les banques augmentent leurs capitaux propres. Autrement dit : arrêtent de jouer avec de l’argent uniquement virtuel. Il a donc fallu calmer le jeu.

Pas de licenciements, disaient-il


Pour faire face à cette baisse d’activité, le groupe des quatre a annoncé une baisse d’effectif de 11%, soit 2000 personnes dans l’hexagone. Une chute d’effectifs ne devant pas passer par la case licenciement, des départs volontaires étant faciles, selon les dirigeants. Sauf que, depuis, ces départs ne sont plus si volontaires, les syndicats dénonçant régulièrement des plans à géométrie variable et donc, pas acceptables.
Ces coupes franches ne devaient pas non plus concerner l’activité de détail qui concentre 70% des 370 000 salariés recensés
en France. Mais ce gros des troupes se prend, en revanche, en pleine face des restrictions de salaires, les syndicats ayant le plus grand mal à mener les négociations salariales annuelles. L’an dernier, l’accord salarial de branche n’a été signé que par FO, la CFDT et la CFTC, ciblant les petits revenus.
Comme pour illustrer les craintes de FO, hier la banque britannique Barclays a annoncé la suppression de 3 700 emplois cette année, dont 1 900 dans l’activité de détail en Europe et 1 800 dans la banque d’investissements. A quelle fin ? Dans le cadre d’un plan stratégique destiné à réaliser des économies et restaurer sa réputation.
Un début, à en croire l’étude du cabinet Roland Berger de juillet dernier sur la transformation du secteur bancaire. Des plans de restructuration destinés à retrouver la rentabilité voulue devraient affecter 180 000 postes d’ici 2016 sur les 3 millions recensés au niveau européen.
FO rappelle donc que « les bénéfices des banques restent importants » et que par conséquent, « les salariés doivent garder leurs emplois ».



Pour les consommateurs. Les dérives financières mettent en péril l’épargne et abusent de frais chers et opaques.


Des frais à cadrer d’urgence

« Si l’adversaire de l’actuelle majorité est, comme elle l’affirme, le monde de la finance, alors qu’elle s’attaque sérieusement au dossier des frais bancaires ! » Le coup de gueule est d’Alain Bazot, président de l’UFC Que Choisir. L’association de consommateurs monte au créneau pour souligner que le projet de loi bancaire concerne l’individu lambda dans son quotidien et pas seulement sur les risques de voir son épargne partir en fumée en cas de crise bancaire.
Le cheval de bataille est à deux têtes : les frais bancaires et l’absence d’information préalable au prélèvement de ces frais. « Les banquiers restent les seuls commerçants à pouvoir se servir sur notre compte sans nous demander la permission », tempête le président.

Des écarts de 1 à 25


Une étude menée sur 143 banques françaises montre que ces frais connaissent des écarts pouvant aller de 1 à 25. Une carte bancaire peut ainsi coûter 41 euros chez l’une, 35 euros chez l’autre et être gratuite chez une banque en ligne. Idem pour l’accès aux comptes sur internet : non facturé chez les uns, jusqu’à 36 euros chez les autres et pouvant même connaître des variations du simple au double selon la localisation des agences d’une même banque.
Faire jouer la concurrence peut permettre des économies allant jusqu’à 105 euros par an pour un jeune, 227 euros pour un actif et 421 euros pour un senior boursicoteur.
Mais « l’absence d’information préalable nuit à la connaissance et au final à la mise en concurrence », expose Alain Bazot, « une information préalable qui est aussi reconnue comme un outil important de prévention et d’éducation ». Et d’attendre des parlementaires, « de nombreuses avancées pour la banque de détail à commencer par cette information préalable ».
Pour les collectivités. Emprunts toxiques : une bataille de gagnée.

Les taux de 9 à 0,7%
La première bataille contre les dérives financières dont sont victimes les collectivités locales a été gagnée non sur les bancs de l’Assemblée mais dans un tribunal. Le TGI de Nanterre vient en effet de condamner la banque Dexia à annuler les intérêts jugés usuraires de trois prêts souscrits par le Conseil général de Seine-Saint-Denis.
Il s’agit des fameux « prêts toxiques » : des emprunts proposés dans un premier temps à des taux fixes très avantageux mais qui au bout de quelques années deviennent variables et surtout indexés à des indices improbables comme le taux de change entre le yen et le dollar. Pour Stéphane Troussel, président du Conseil général ayant assigné la banque en février 2011, il y a eu « défaut d’information », un point de vue partagé par le juge qui a donc condamné Dexia à « lâcher » le taux ayant atteint les 9% pour revenir au taux d’intérêt légal en vigueur de 0,7%.
Le cas du Conseil général de Seine-Saint-Denis est un parmi… tant d’autres. Cinq mille collectivités locales seraient aujourd’hui victimes d’emprunts toxiques. L’an dernier une commission parlementaire a estimé à plus de 18 milliards d’euros le volume d’emprunt concerné, diverses banques étant concernées.

« Démontre la responsabilité des banques »

La décision du tribunal a été saluée par Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des Départements de France, qui « ouvre de nouvelles perspectives à l’ensemble des collectivités territoriales ayant engagé une procédure judiciaire sur des dossiers similaires ». Mais aussi par Maurice Vincent (PS), président de l’association d’élus contre les emprunts toxiques qui a estimé cela « démontre encore une fois, la responsabilité de la banque qui a accordé de type de prêts sans informer les collectivités sur les risques réels ». Tout en rappelant l’ampleur du travail qui reste encore à faire.
Dexia n’exclut pas de faire appel. La banque franco-belge a en effet dit avoir « pris acte de ces décisions » et qu’elle allait « en étudier soigneusement les termes pour décider des suites éventuelles à leur donner ».
Angélique Schaller

Article paru dans La Marseillaise du mercredi 13 février 2013

Tag(s) : #Economie
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