Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les hausses répercutées, les baisses... bien moins

Article paru dans La Marseillaise du mardi 1 février 2011

 

L’alimentation représente 13,5% des dépenses des ménages, un budget incompressible qui rend d’autant plus scandaleuses les marges injustifiées.Photo LS
L’alimentation représente 13,5% des dépenses des ménages, un budget incompressible qui rend d’autant plus scandaleuses les marges injustifiées.Photo LS

Alors que les prix des matières premières flambent à nouveau, l'UFC Que Choisir dénonce la constitution d'une « cagnotte » pour les distributeurs et les industriels, au détriment du consommateur.

 

Si une répercussion de la hausse des prix des matières premières agricoles doit avoir lieu pour le consommateur, « il faut démontrer qu'elle est strictement justifiée non simplement inéluctable ». Alain Bazot est président de l’UFC Que Choisir. Cette association de consommateurs repart au combat en cette année 2011 et son président est passablement en colère. Non seulement le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire a opté pour le terme « d’inéluctable », mais son intervention se fait alors que l’Observatoire des prix et des marges vient de produire un pré-rapport sur les prix de la viande bovine. Créé en 2007, cet observatoire a d’abord été salué par les militants du pouvoir d’achat puisque sensé faire toute la lumière sur la formation des prix et associant l’UFC Que Choisir. Mais le dernier rapport les a fait déchanter. « Un rapport lénifiant, visant à disculper certains industriels et distributeurs de toutes prises de marges injustifiées » lâche Alain Bazot qui en tire comme conclusion inquiétante : « le renoncement à agir de la part de l’Etat ».
Mais l’UFC n’est pas sans ressource et vient de relancer le débat sur le scandale des prix alimentaires en rendant publique une étude sur le prix de deux produits peu transformés et largement consommés : la volaille et le lait. Premiers constats à court terme : par rapport à l’enquête de l’année dernière, le lait subit une augmentation de 1,5 % qui se cumule à celle de 8 % relevée entre 2007 et 2009. Quant au poulet, il subit une hausse de 3,5 % qui vient s’ajouter aux 15 % de la dernière augmentation !
L’association a ensuite travaillé sur le moyen terme, étudiant l’évolution des prix du lait et du filet de poulet, depuis 2000. Elle en déduit que « les hausses de prix agricoles sont systématiquement répercutées en rayon » mais que leurs baisses « ne sont pas ou mal répercutées ». En dix ans, le prix du lait payé aux producteurs a progressé de 0,7% à 30,1 centimes le litre. Mais, pour le consommateur, le prix de la brique de lait UHT demi-écrémé a bondi de 17% à 72 centimes le litre. Pour le filet de poulet, le prix payé aux éleveurs a augmenté dans le même temps de 20%, à cause de la hausse du prix des céréales, mais pour le consommateur, l’addition a augmenté de 37%.


    Entre le prix versé au producteur et celui facturé au consommateur, s’ajoutent la TVA et les marges brutes des intermédiaires (industriels, distributeurs), sans confondre marges brutes et bénéfices car les intermédiaires doivent payer les charges, les coûts salariaux, l’énergie… Selon les calculs de l'UFC Que Choisir, depuis 2000, les distributeurs et les industriels ont engrangé « une cagnotte, un véritable jackpot » pour reprendre les termes de l’association de 1,6 milliards d’euros pour le lait et de 7,7 milliards d'euros pour le poulet. Selon l’étude, les industriels seraient les premiers responsables de cette cagnotte indue, représentant 70,5% de la marge brute.
    Et l’association de défense des consommateurs de commenter sans mâcher ses mots : « Une nouvelle fois, industrie et distribution nous refont le coup lucratif de l’effet cliquet : ne jamais ou très peu répercuter les baisses de prix agricoles, mais toujours les hausses ».
Intégralement subi par les ménages, l’impact de ces marges injustifiées est d’autant plus « scandaleux » que « l’alimentation représente 13,5% des dépenses des ménages. Cette proportion est encore plus importante pour 10% des ménages les plus modestes pour lesquels l’alimentation représente 17% de leur budget ». Les dépenses alimentaires étant « pratiquement incompressibles », les ménages en sont contraints à acheter moins de produits ou de descendre en gamme. Ainsi, la consommation globale de viande a diminué de 2,3% en volume pendant la période 2007/2008, « les consommateurs ayant particulièrement diminué les achats de viandes les plus chères tel que le bœuf avec – 5% pour se reporter vers des produits carnés moins chers tel que le jambon », développe encore l’UFC.


« On a assisté à une confiscation de la baisse des prix agricoles au détriment des consommateurs et des agriculteurs » estime ainsi Alain Bazot. L’UFC Que Choisir demande donc que l’Observatoire des prix et des marges « identifie enfin les causes réelles de l'inflation des marges brutes de l'industrie et de la distribution » et réitère sa demande que les pouvoirs publics mettent en place « un coefficient multiplicateur sur les prix des produits alimentaires bruts ou peu transformés » (un rapport entre le prix d’achat et le prix de vente pour limiter l’écart).
    Forcément côté distribution, le son de cloche est différent : « L’Observatoire fait bien son travail » et montre « qu’il n'y a pas de trésor caché quelque part », a ainsi rétorqué le président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), Jérôme Bédier. Et de regretter que l’étude de l’UFC ne prenne pas en compte les promotions, « qui représentent 40% des ventes du poulet ».

Décryptage
Angélique Schalle

Tag(s) : #Economie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :