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Les aliments menacés de nouvelles hausses de prix

Le pouvoir d'achat, préoccupation numéro un des Français en 2008 lors de la flambée des matières premières, sera-t-il le nouveau sujet d'inquiétude de cette rentrée ? Après avoir traversé une période d'accalmie, les produits alimentaires font en effet à nouveau l'objet de tensions inflationnistes.

En cause, un affolement des cours du blé, du cacao, du café, et de nombreuses autres matières premières agricoles. La sécheresse en Russie et l'annonce consécutive par ce pays, début août, d'un embargo sur ses exportations de céréales a provoqué une flambée du cours des grains, et notamment du blé : + 65 % depuis le mois de juillet sur le marché européen d'Euronext et + 46 % à Chicago.

Or cette hausse a aussi des effets désastreux en aval sur les industriels et les filières agricoles, comme celles de la volaille et de la viande. L'alimentation du bétail, riche en céréales, représente en effet 60 % à 80 % des charges des éleveurs. "Depuis juin, nos coûts de production se sont accrus de 25 centimes par kilo de viande produite, déplore Jean-Michel Serres, président de la Fédération nationale porcine (FNP). Résultat, on travaille à perte. Le prix auquel nous vendons le kilo de carcasse de porc ne dépasse pas 1,30 à 1,35 euro, alors que nous produisons aujourd'hui le kilo entre 1,40 et 1,50 euro."

Pour compenser cette hausse des coûts de production, les éleveurs voudraient pouvoir augmenter leurs prix. "Si chaque intermédiaire n'en profite pas pour augmenter sa marge, la hausse ne devrait pas être dramatique pour le consommateur, qui paie sa côte de porc 7 euros le kilo", relativise M. Serres.

Guy Odri, directeur général délégué du groupe de volailles Doux, estime pour sa part que l'envolée des cours mondiaux des céréales aura "une répercussion immédiate sur les prix de vente des produits transformés". Il évalue entre 6 % à 7 % la hausse à venir des prix de la volaille sur le marché mondial.

Déjà, Alain Bazot, le président de l'association de consommateurs UFC-Que choisir, s'inquiète. Il redoute que, comme en 2008, les industriels, puis la grande distribution arguent de cette hausse des coûts des matières premières pour faire payer le consommateur. Or ces hausses ne sont pas toujours justifiées. A titre d'exemple, le prix de la farine, qui ne compte que pour 4 % dans le prix de la baguette. M. Bazot est d'autant plus vigilant qu'"ensuite les prix ne baissent jamais d'autant quand le cours des matières premières rechute..." "Il y a un effet cliquet qui ne sert qu'à gonfler les marges des industriels et de la grande distribution", s'agace le porte-parole des consommateurs.

Selon les économistes, la remontée des cours des matières premières se répercutera inévitablement sur le pouvoir d'achat des Français. Et, même contenue, l'inflation qui en résultera, de l'ordre de 2 % en 2011, intervient dans un contexte de stagnation des revenus des ménages, et notamment des salaires. Autrement dit, le consommateur risque de souffrir. D'autant qu'il s'agit d'une "mauvaise inflation", car elle est totalement importée, note Alexander Law, économiste chez Xerfi.

Habitués à être en première ligne des débats sur la défense du pouvoir d'achat, les distributeurs préparent leur défense. D'emblée, ils rappellent qu'en 2010 les prix de grande consommation ont baissé (de - 0,31 % en juillet sur un an selon les chiffres Nielsen-LSA). Cet effort a été "pénible", indique Jérôme Bédier, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et a, dit-il, "rogné sur nos marges". Marges, estimées à 1,7 % en moyenne en 2009 par une étude Casas et associés, réalisée pour la FCD, contre 3 % en 2003.

Mais les distributeurs savent qu'une valse des étiquettes fera fuir les clients vers les enseignes maxidiscomptes. Alors que débutent les négociations avec les industriels pour fixer les tarifs de 2011, les enseignes ont une stratégie pour limiter la casse : se battre face aux gros industriels pour bloquer les hausses de prix et se montrer plus conciliants avec les PME et les petits producteurs, qui sont eux, étranglés par les hausses de coûts.

"On ne se laissera pas faire"

"Les industriels comme Mars, Nestlé laissent entendre qu'ils ont besoin de hausses tarifaires. Mais ils ne se portent pas si mal à en juger par leurs performances financières !, signale notamment Serge Papin, patron de l'enseigne Système U. Vis-à-vis de ces grands groupes, on ne se laissera pas faire. En revanche, il faut de l'empathie avec le monde agricole. On ne peut pas dire aux éleveurs de porcs ou de volaille : "débrouillez-vous !"."

Chez Leclerc, une enseigne où l'offre de prix bas est l'argument numéro un, le message est le même. Dans leurs premières propositions de négociations tarifaires, les industriels évoquent des augmentations de prix de l'ordre de 5 % à 8 % pour le café, de 7 % à 8,7 % pour les produits de panification, de 9 % pour les biscuits et le sucre, et de 8 % pour la volaille. Soit une progression moyenne de l'ordre de 5 %, calcule Michel Edouard Leclerc, le patron de l'enseigne. "La plupart de ces hausses, on les refusera", assure-t-il, tout en précisant qu'il sera prêt néanmoins à les accorder aux PME.

La grande distribution sera-t-elle aussi vertueuse qu'elle le laisse entendre ? Au final, toutes ces négociations se joueront dans l'ombre.

Tag(s) : #Economie
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