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Politique / Social - Économie - Article paru le 4 novembre 2009 dans l'Humanité

 

La Poste : La gauche monte au créneau au Sénat !

Les opposants au changement de statut de l’entreprise démontent une à une les « contre-vérités » de ses partisans, dans un débat qui rappelle celui du référendum de 2005.

Etrange parallélisme  : le débat qui s’enflamme sur le changement de statut de La Poste prend une tournure identique à celui de… 2005, autour du référendum sur le projet de constitution européenne. Similitude sur la forme, d’abord, avec la levée citoyenne lors de la votation du 3 octobre, qui a recueilli 2,3 millions de suffrages, dont plus de 90 % de « non » à la privatisation de l’entreprise. Sur le fond, ensuite, où partisans et opposants s’affrontent selon les mêmes modalités  : les tenants du « oui » au changement de statut alignant les contre-vérités pour prouver qu’« il n’y a pas de plan B » à leur projet, face aux défenseurs du « non » qui ripostent en disséquant le texte.


Les traités reconnaissent le rôle des services publics


Hier, un sommet a été atteint, en marge de la discussion au Sénat entamée avec retard, avec la montée au front du conseiller de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino. Ce dernier a réaffirmé sans vergogne que « le changement de statut de La Poste » d’établissement public industriel et commercial (Epic) en société anonyme (SA) est « le résultat inéluctable des directives européennes » qui font obstacle à la garantie financière de l’État en faveur de La Poste. Et d’accuser de dire des « mensonges », ceux qui prétendent le contraire.

Le sénateur communiste Jean-Claude Danglot a répliqué à cet argument en rappelant que « l’Europe ne préjuge en rien du régime de propriété et que peu importe la forme juridique du destinataire, toute aide d’État est simplement prohibée », qu’il s’agisse d’un Epic ou d’une SA. « À l’inverse, a poursuivi le sénateur PCF du Pas-de-Calais, le rôle des services publics est reconnu par les traités qui laissent aux États membres le soin de les définir et de prévoir leur financement. Une véritable modernisation aurait pu passer par une meilleure définition des obligations de service public dans le sens de leur extension et, par conséquent, d’une meilleure compensation (financière – NDLR) par l’État. » Pour lui, c’est la preuve que « d’autres solutions existent », et qu’« ouvrir le capital de La Poste entre donc bien dans une logique de privatisation de l’entreprise publique ».

Autre argument de la droite à être battu en brèche, celui du ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, qui prétend garantir que La Poste serait « non privatisable » grâce à l’inscription dans la loi que La Poste est un « service public national ». Le ministre s’appuie sur une décision du Conseil constitutionnel de 2006 (voir l’Humanité d’hier) relative au service public de l’énergie pour étayer ses dires. « M. Estrosi n’a pas dû lire la jurisprudence du Conseil constitutionnel jusqu’au bout », ironisent les sénateurs communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche (CRC-SPG), qui rappellent que, dans leur décision, les Sages ont estimé que « le fait qu’une activité ait été érigée en service public national (…) ne fait pas obstacle au transfert au secteur privé de l’entreprise qui en est en charge ». En résumé, pour eux, « cette contre-vérité du ministre est grossière ». Suivant le même raisonnement, le sénateur PS Michel Teston parvient aux mêmes conclusions. « La Poste imprivatisable ? Un écran de fumée. (…) Ce qu’une loi peut faire, une autre loi peut le défaire… Même en inscrivant le principe du service public national dans le texte, rien n’empêche le gouvernement de déposer une nouvelle loi dans quelques mois ou quelques années pour revenir sur ce principe. »

Un argument étrangement repris, hier, par… Henri Guaino, qui a contredit le ministre sur ce point  : « Il n’y a jamais rien d’éternel, a-t-il déclaré. C’est une réalité, ce qu’une loi fait, une loi peut le défaire. » Dès lors, les opposants au changement de statut devraient se contenter, pour toute assurance, de l’engagement que La Poste « ne sera jamais privatisée par la majorité actuelle ». Au vu de ce qu’il en a été de celui de Nicolas Sarkozy promettant, le 6 avril 2004, qu’« EDF et GDF ne seront pas privatisés », on peut douter qu’ils s’en satisfassent…

Sébastien Crépel

Tag(s) : #Politique
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