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La Banque centrale européenne, un problème ou une solution ?

La Banque centrale européenne (BCE) est sans aucun doute depuis quelques mois la vedette d’une actualité économique et financière agitée. Elle est de plus en plus considérée comme la mère de tous les problèmes et de toutes les solutions à la crise de la zone euro, pour de bonnes raisons mais le plus souvent pour de mauvaises. Pour les pires même, parfois.

On se souvient de cette lettre, début août, de Jean-Claude Trichet, gouverneur de la BCE, et de son successeur, Mario Draghi, à Silvio Berlusconi, dans laquelle ils dictaient à l’Italie un programme de gouvernement, énonçant dans le détail les conditions qu’ils posaient à une aide permettant de faire face aux attaques des marchés financiers. Il y a quelques jours encore, Jean-Claude Trichet a récidivé, appelant l’Espagne à poursuivre sa politique d’austérité afin de « rétablir ainsi la confiance des investisseurs ». La BCE est également, avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne, l’un des membres de la « troïka » chargée d’« étriller » Athènes pour tenter de sauver les banques qui ont spéculé sur les titres de dette publique grecque. Bien qu’elle ne dispose d’aucune légitimité populaire, l’institution monétaire sort ainsi de son rôle défini par les traités pour s’affirmer comme un acteur politique majeur au service des marchés financiers.

Le FMI lui-même, en présentant mardi ses prévisions internationales, fait de la BCE un acteur majeur d’une sortie de crise de la zone euro. Il l’appelle à continuer « à intervenir avec fermeté pour maintenir l’ordre sur les marchés de la dette souveraine ». Il lui recommande en outre d’« abaisser son taux directeur si les risques de dégradation de la croissance et de l’inflation persistent ». Mais le Fonds ne s’inscrit pas dans une perspective de désarmement des marchés, tout au contraire, il s’agit pour lui de réclamer de la BCE qu’elle conduise une politique monétaire permettant de les sauver.

D’autres intervenants se situent dans une tout autre optique. C’est le cas de la Confédération européenne des syndicats (CES). En juin 2009, elle déclare que la BCE « doit également être impliquée dans la croissance et dans la recherche d’un plein-emploi de qualité et pas simplement dans la stabilité des prix ». Elle envisage même de « transférer une grande partie de la dette nationale à la Banque centrale européenne ». Une façon de penser que cela peut permettre de diminuer fortement les taux d’intérêt exorbitants qui étranglent les pays tels que la Grèce et l’Irlande. Il reste qu’avec cette proposition, les taux resteraient déterminés par les marchés financiers.

La Confédération des travailleurs allemands (DGB) va plus loin en proposant de « découpler les finances publiques des marchés financiers ». Elle propose l’instauration d’une « Banque publique européenne pour les emprunts publics », chargée d’acheter aux États des titres de dettes sans leur imposer des taux d’intérêt coûteux et financée par la BCE.

En France, des économistes iconoclastes invitent à désengager le financement des États et des services publics des marchés. Les économistes communistes ont les premiers proposé que la BCE, en raison de sa capacité à créer de la monnaie et à l’injecter dans le système bancaire européen, devienne l’un des acteurs essentiels de deux séries de mesures. Il s’agirait, d’une part, de contribuer à réorienter le crédit bancaire en faveur de l’emploi et du développement humain. D’autre part, la banque des banques européennes pourrait racheter à l’émission des titres de dette publique. Ces fonds seraient affectés à l’expansion des services publics, en priorité dans les pays les plus en difficulté. Les économistes atterrés ont également développé de leur côté des propositions similaires. Au niveau politique, le PCF, le Front de gauche, le Parti de la gauche européenne (PGE) ont fait leur cette démarche.

Ces idées commencent donc à être reprises à gauche et dans le mouvement social, mais il importe de préciser que leur efficacité repose sur la sélectivité des prêts que la BCE ou les banques pourraient distribuer. À l’heure de la révolution informationnelle, du développement sans précédent des nouvelles technologies, cette injection massive d’argent ne peut permettre de relancer une croissance économe et écologique que si elle vise à assurer prioritairement un développement des capacités humaines au travers de l’emploi, des salaires, de la recherche, de la culture, des services publics.

Pierre Ivorra

URL source: http://www.humanite.fr/monde/la-banque-centrale-europeenne-un-probleme-ou-une-solution-480117

Tag(s) : #Economie
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