« Cinq suicides, le signe que rien ne change »
Article paru dans La Marseillaise du jeudi 16 septembre 2010 |
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France Télécom. Rencontre et réception orageuses, hier, entre Stéphane Richard et des salariés syndiqués.
A coups de cloches et de klaxons ont été accueillis, hier, au Palais des sports les 2 400 cadres de la direction territoriale de
France Télécom-Orange.
A l’initiative de cette réception bruyante et joyeuse trois syndicats : CGT, SUD et FO. Au micro, une voix annonce la couleur : «
Non à l’augmentation des dividendes qui détruit la santé des salariés. » Une banderole de l’Ugict-CGT revendique la retraite comme un investissement de la société pour elle-même, pas pour le CAC
40. Manifestement, un clin d’œil au rassemblement qui se déroule en même temps devant la Préfecture.
Les syndicalistes sont venus dire à leur directeur général, Stéphane Richard, présent à Marseille, que « malgré les annonces faites,
rien n’a changé sur le terrain ». Justement, ces mots ont été prononcés, suite à un échange houleux, devant le nouveau dirigeant de l’opérateur historique qui est venu au-devant des salariés pour
les « saluer » et « discuter ». « Septembre 2010 n’est pas septembre 2009. Il y a eu une crise profonde, reconnaît le plus haut responsable. On a tous décidé de s’attaquer à la rénovation en
profondeur de l’entreprise. »
A un salarié qui parle de recul de la Direction qui maintient les sites d’Arles et de Marignane alors que leur fermeture était
initialement décidée, Stéphane Richard se défend d’être en guerre. Ce à quoi, on lui répond : « On ne fait certes pas la guerre, mais il y a des morts. » Vingt-trois suicides depuis le début de
l’année, dont 5 ces quinze derniers jours.
« Je suis aussi attaché que vous à l’entreprise, poursuit le numéro 1. J’ai envie que ça change, j’ai fait des gestes. Je vous
écouterai. Je ne veux pas que vous doutiez de ma détermination à changer les choses. » Sauf que, pour les personnels rassemblés, « le seul engagement tenu, c’est le maintien des dividendes ». En
effet, pour rassurer les actionnaires, Stéphane Richard a annoncé, en juillet dernier, qu’il maintenait le versement, au cours des 3 ans à venir, d’un dividende de 1,40 euro par action, soit 3,7
milliards d’euros par an pour France Télécom. Résultat : la bourse s’est frotté les mains en faisant un bond de 5,47%.
Pour Michel Issenjou de SUD, « les actionnaires ont touché 70 centimes d’euros par action, ce qui fait 400 à 500 millions pour
l’actionnaire principal qu’est l’Etat. Les salariés eux ne touchent pas un quelconque dividende de l’intention de changement affichée par Stéphane Richard. S’il voulait faire un signe, il dirait
0 euro jusqu’à la fin de la crise ».
Contredisant les propos tenus par le directeur général comme quoi des dizaines de salariés seraient revenus sur leur site de
travail, Jean-Pierre Dremeaux (CGT), membre de la commission nationale du stress, signale la menace qui pèse encore sur certains sites, celui d’Aix, par exemple, visé par une fermeture parce que
l’activité n’est soi-disant plus porteuse. Même risque pour Arles où deux nouveaux recrutements sont délocalisés à Marseille sur le site de Saint-Mauront et à Marignane où les départs ne sont pas
remplacés et ceux qui restent n’y arrivent pas.
« La souffrance dans les services, c’est le manque d’effectifs, il faut donner les moyens aux salariés et pas aux actionnaires. Les
5 derniers suicides, c’est le signe que ça n’a pas changé », confie Olivier Neri pour la CGT.
Le management pas touché
CFTC, FO, CGC, CFDT, CGT et SUD avaient rendez vous dans la matinée d’hier avec le nouveau directeur national des ressources humaines, Bruno Mettling, et son homologue régional, Philippe Daumas,
dans les locaux de France Télécom à Colbert. Olivier Flament, secrétaire SUD du CHSCT en était.
Il juge « inacceptable » le raisonnement tenu par le DRH du siège parisien. Qui aurait dit en résumé : « On a eu tort de maintenir cette organisation, mais elle était justifiée entre 2000 et 2006
pour sauver l’entreprise. » Selon le syndicaliste, l’idée est maintenue que le management reste l’outil de la direction centrale pour faire passer sa nouvelle orientation. « Pour nous ce n’est
pas acceptable non plus, car l’encadrement doit être utile à l’organisation du travail, à résoudre les problèmes des équipes et à les faire remonter. »
P.BT
PIEDAD BELMONTE
La CGT a obtenu l’engagement de Stéphane Richard de recevoir prochainement une délégation.