En Tunisie, «aux protestations sociales, les islamistes répondent par la violence»
Humanité Quotidien
8 Février, 2013
Tunisie
Pour Ahlem Belhadj, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates, une partie du camp islamiste joue la carte de la violence pour se
maintenir au pouvoir.
Comment réagissez-vous au discours du premier ministre islamiste, Hamadi Jebali, qui promettait mercredi soir
un gouvernement « non partisan »,
après l’assassinat
de Chokri Belaïd ?
Ahlem Belhadj. Cette réaction
est tardive. Il aurait dû réagir
il y a longtemps. Il a exprimé
une volonté de sortie de crise.
Mais
aussitôt, le parti Ennahdha
a rejeté son initiative. Cela témoigne d’une crise désormais ouverte
au sein de ce mouvement. Enfin,
ces propositions sont unilatérales.
Il n’y a eu aucune
concertation.
Rien ne garantit la rupture avec
une façon fermée d’exercer le pouvoir et de prendre les décisions. Les islamistes considèrent que la
majorité électorale permet de
tout
faire dans un pays en transition. Le pays est plongé dans une grave crise. Nous entrons dans une étape cruciale du processus engagé
en janvier 2011.
Les islamistes sont-ils tentés par le scénario d’une confrontation violente pour se maintenir au pouvoir ?
Ahlem Belhadj. À mon avis, pour certains, oui. Rached Ghannouchi chef spirituel d’Ennahdha, considère les ligues de protection de la
révolution (groupes de nervis salafistes aux méthodes violentes – NDLR) comme « l’âme de la révolution ». Au nom de la direction de son parti, le même a demandé la libération des
assassins de Lotfi Naguedh, le militant de Nidaa Tounes tué le 18 octobre dernier à Tataouine. C’est une manière ouverte d’opter pour la violence. Ennahdha a beaucoup
déçu sa base électorale. Surtout parce qu’il n’y a eu aucune mesure favorable au peuple sur le plan économique. Au contraire. La cherté de la vie devient insupportable. Le chômage n’en
finit plus d’augmenter. Aux protestations sociales, ce gouvernement répond par la répression, la violence. Les électeurs ont expérimenté Ennahdha. Sans doute était-ce un passage obligé.
En un an, les Tunisiens ont eu une claire illustration de ce que sont les islamistes au pouvoir.
Les événements en Tunisie font-ils écho à la contestation égyptienne ?
Ahlem Belhadj. À Tunis comme au Caire, le processus est toujours en cours. Les revendications populaires, dans ces deux pays, continuent de
se faire entendre. C’est l’expression d’une résistance citoyenne contre un projet de société qui tourne le dos à ces revendications sociales.
Les femmes tunisiennes furent les premières à résister aux islamistes. Sont-elles la cible de menaces ?
Ahlem Belhaj. Oui, elles sont menacées par les régressions que les islamistes veulent inscrire dans la loi. Elles sont menacées dans leur
vie quotidienne, avec une recrudescence des violences. Elles sont aussi les premières victimes des choix économiques ultralibéraux de ce gouvernement.
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Entretien réalisé par Rosa Moussaoui