"Le retour du fameux marché transatlantique"
par Patrick Le Hyaric
Humanité Quotidien
14 Février, 2013
Analyse
Patrick Le Hyaric, député au Parlement européen, directeur de l’Humanité.
On ne peut croire à la concordance des temps. Dans le document conclusif du dernier Conseil européen, il n’est pas seulement acté le projet d’un
budget d’austérité pour l’Union européenne mais aussi des alinéas cachés au grand public qui engagent l’Union européenne à « parvenir à une plus grande convergence transatlantique en
matière de réglementation ».
Seulement quatre jours plus tard, c’est-à-dire la nuit dernière, le président Obama, dans son discours sur l’état de l’Union, a lancé pour de bon ces
négociations entre les États-Unis et l’Union européenne « pour favoriser les exportations américaines, supporter les emplois américains… ». « Nous allons lancer des discussions sur un
accord transatlantique global sur le commerce et l’investissement avec l’Union européenne », a-t-il déclaré.
Nous nous rapprochons donc de la construction de ce « marché transatlantique », une zone de libre-échange intégral entre les États-Unis et l’Union
européenne. L’objectif est de s’extraire des négociations bloquées à l’Organisation mondiale du commerce, afin de répondre à la demande du grand patronat européen et nord-américain pour
relancer la guerre économique afin d’abaisser les rémunérations et les conditions de travail, les normes environnementales.
Ceci signifierait à la fois l’abolition des droits de douane et aussi un ensemble de barrières réglementaires que le capital a besoin de faire sauter pour
rehausser ses taux de profit.
Un tel accord ouvrirait grandes les portes à l’importation de produits OGM, de bœuf aux hormones, de poulet traité au chlore, et aurait de redoutables
conséquences sur nos industries et services, comme le montre le même type d’accord avec la Corée du Sud qui ouvre la voie royale à l’importation de véhicules sud-coréens. Et alors que
notre industrie automobile est poussée à l’agonie, la Commission européenne se garde de déclencher les clauses de sauvegarde prévues en cas d’importations massives détruisant nos propres
industries.
En lien avec le pacte de compétitivité et le projet d’accord sur la flexibilité, voici qu’un pas de plus serait franchi, dans la loi de la jungle de
l’ultracapitalisme, avec le renoncement à nos standards de production, aux normes de santé, d’environnement – certes à améliorer et faire respecter – qui garantissent la
sécurité des travailleurs et la qualité de nos productions, au profit de la suraccumulation du capital que cherchent les multinationales et les institutions financières. Celles-ci croient
pouvoir contourner les dégâts de leur propre politique d’austérité qui réduit les débouchés, donc la croissance, en élargissant leur sphère de domination, d’exploitation et de
spéculation sans entrave.
Au nom du « marché ouvert où la concurrence est libre » et après la réintégration dans l’Otan, l’Union européenne poursuit sa fuite en avant dans un projet
ultralibéral qui la coupe des aspirations des peuples qui la composent. L’idée européenne serait noyée dans une zone élargie, dominée par l’imperium nord-américain, utilisant le
dollar contre nos atouts industriels, agricoles et de services. Voilà un grand combat à mener.
Non au marché transatlantique !
Patrick Le Hyaric