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Au 23ème suicide, l'Etat intervient enfin chez France Télécom !



Santé au travail . Après la défenestration d’une salariée, vendredi, la direction refuse de revoir sa stratégie. Le ministre du Travail, Xavier Darcos, rencontre mardi le PDG du groupe.


Après avoir longtemps ignoré, minimisé, colmaté à peu de frais les dégâts provoqués dans le personnel par les restructurations permanentes, la direction de France Télécom est rattrapée par la réalité. Au lendemain de l’annonce de son « plan d’action » contre les suicides, elle a dû répondre, vendredi, d’un nouveau drame parmi ses salariés. À Paris, une jeune femme cadre de trente-deux ans, employée au service recouvrement d’Orange, dans le 17e arrondissement, est décédée après s’être défenestrée, au sortir d’une réunion portant sur la réorganisation de son service. Elle venait d’apprendre qu’elle changeait de chef, après avoir déjà subi, en juin, une mutation de Courbevoie à Paris. Une enquête de police a été ouverte.

Inciter le personnel à « partir »

Aussitôt, les syndicats ont réagi en réclamant de la direction des mesures « urgentes et radicales », notamment l’arrêt des restructurations, principale cause du mal-être chez les salariés : en moyenne, les agents de France Télécom subissent un changement de métier ou de lieu de travail tous les six mois. Le pire étant que, d’après les syndicats, cette déstabilisation est voulue pour inciter le personnel, en majorité fonctionnaire et non licenciable, à partir « volontairement ». Les syndicats ont aussi appelé l’État à intervenir : garant de la santé publique, ce dernier est aussi le principal actionnaire de France Télécom (26 % du capital), ex-employeur des 65 000 fonctionnaires du groupe, et instigateur de la privatisation qui a abouti à ce désastre !

Dans la soirée de vendredi, le ministre du Travail, Xavier Darcos, a joint Didier Lombard, PDG de France Télécom, pour qu’il le rencontre « dans les plus brefs délais », soit mardi. « L’objet de la réunion, c’est de voir tout ce qui peut être mis en oeuvre pour remédier à la vague de suicides en cours à France Télécom, trouver des parades aux troubles psychosociaux et au stress au travail », a indiqué le ministère à l’AFP.

Il n’y a pas grand-chose à attendre, car côté direction, l’heure est aux condoléances, mais pas au changement de cap. Interrogé par le Journal du dimanche, le directeur des ressources humaines du groupe, Olivier Barberot, se dit « effondré » par ce drame « terrible ». Sans rejeter en bloc le lien avec le travail, le DRH estime « qu’il est difficile de se prononcer », et il ne manque pas d’indiquer que « cette jeune femme avait des difficultés personnelles connues du service de ressources humaines et de la médecine du travail ». Sur les mesures à prendre, le DRH s’en tient aux annonces de la semaine dernière : l’entreprise va chercher à détecter les « salariés fragiles » et va « mieux accompagner » les réorganisations. Les stopper ? « C’est inenvisageable, ou alors la concurrence doit être gelée et la technologie cesser d’évoluer », assène le DRH, qui ose affirmer que « la mobilité s’est faite, pour l’immense majorité des salariés concernés, sur la base du volontariat ». Quelle est la marge de manoeuvre d’un agent dont le service ferme ou dont le poste est supprimé ?

Négociations dans un climat tendu

C’est dans ce climat tendu que doivent s’ouvrir, vendredi, les négociations d’entreprise sur le stress, qui pourraient rapidement achopper sur la question de la légitimité des restructurations. « Il y aura d’autres suicides », déplore Marie Pezé, psychanalyste, spécialiste de la souffrance au travail, qui dénonce le « harcèlement institutionnel et stratégique » de France Télécom, pour qui « l’essentiel, c’est de faire partir les gens ». Interviewée par l’AFP, elle juge « délétère » l’idée de faire repérer les salariés fragiles par les managers, qui sont aussi ceux qui appliquent les décisions de la direction. Selon elle, « les salariés vont chercher à cacher leur état », et si un agent « se suicide, on va dire aux managers que c’est de leur faute. On aura des suicides de cadres ».

Fanny Doumayrou


http://www.humanite.fr/Au-23eme-suicide-l-Etat-intervient-enfin-chez-France-telecom
Tag(s) : #Société
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