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International - Article paru le 15 novembre 2008 dans l'humanité

Face à la crise


Le G20 au chevet de la planète financière



Sommet . Les grandes puissances et les principaux pays émergents se retrouvent aujourd’hui à Washington pour plancher sur une nouvelle architecture financière mondiale, tandis que la crise ne cesse de s’envenimer.

Washington (États-Unis), envoyé spécial.

Les membres du G20 - les huit pays les plus puissants de la planète associés aux nations émergentes les plus importantes comme la Chine, l’Inde et le Brésil (1) - se réunissent aujourd’hui à Washington pour tenter de venir au chevet d’un système financier international en déliquescence. C’est peu de dire que le besoin d’un tel rapprochement et d’une révision en profondeur des règles de fonctionnement de la planète financière se fait sentir aujourd’hui avec force et dans l’urgence. Le krach, qui a démarré il y a un peu plus d’un an, a pris une telle ampleur qu’il fait maintenant surgir la menace d’une crise sociale sans précédent à l’échelle de toute la planète.

Une adaptation au système

Tous les clignotants sont passés en l’espace de quelques semaines de l’orange au rouge le plus sombre. L’Europe est entrée officiellement hier en récession. Le plan Paulson de 700 milliards de dollars destiné à consolider le système financier de la première économie mondiale devrait finalement être englouti dans le seul renflouement des banques états-uniennes. L’industrie automobile mondiale s’apprête à licencier des centaines de milliers de personnes. Et des dizaines d’usines ont commencé de fermer leurs portes dans la région de Canton, en Chine. Le Fonds monétaire international (FMI) a revu à nouveau ses prévisions de croissance mondiale à la baisse les ramenant à un peu plus de 2,5 % (contre 4,5 %, il y a encore trois mois).

Si tous ont bien perçu l’acuité des problèmes, les remèdes avancés diffèrent, voire divergent très nettement, ce qui n’augure sans doute pas de prises de décisions fracassantes lors de ce sommet. D’autant que le pouvoir est en transition aux États-Unis. Il est toujours, pour l’heure, entre les mains de George W. Bush, le nouveau président élu Barack Obama ne faisant son entrée en scène qu’à compter du 20 janvier prochain. Confrontés à l’obligation de résultat, les vingt devraient toutefois se mettre d’accord sur le lancement d’un processus de conférences, programmant une prochaine réunion d’ici à un peu plus de trois mois.

Les approches très différenciées ne sont pas sans révéler la montée des contradictions entre les principaux acteurs du vieux système de Bretton Woods, fondé sur le triptyque de la domination du dollar et des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale, lire en page 3). George W. Bush a prévenu qu’il appellerait à réparer « le capitalisme de libre marché » et rien de plus. Nicolas Sarkozy devrait faire part d’un souci de plus grande régulation des Européens, fondée sur cinq priorités adoptées la semaine passée par les 27. Soit la transparence, le contrôle plus étroit des agences de notation, un code de bonne conduite quant aux rémunérations des dirigeants et la proposition de confier au FMI un rôle central dans la refonte de l’architecture financière internationale. Il est bien difficile de voir dans ces propositions autre chose qu’une recherche d’adaptation du système, très loin de la moindre mise en cause des logiques qui ont conduit à sa faillite.

Nicolas Sarkozy est certes plus offensif sur les privilèges du billet vert. « Le dollar qui, au lendemain de Bretton Woods était la seule monnaie au monde, ne peut plus prétendre être la seule monnaie au monde », a martelé à plusieurs reprises le chef de l’État français avant son arrivée à Washington. Le président en exercice de l’UE touche bien ainsi, à l’un des enjeux fondamentaux du moment, puisque le monde croule sous les liquidités émises par la réserve fédérale ce qui a permis aux États-Unis de vivre littéralement aux crochets du reste de la planète. Mais la promotion de l’euro que Sarkozy appelle de ses voeux sur la scène mondiale est dictée par les mêmes critères de rentabilité et de domination en faveur des groupes de l’UE que ceux qui ont prévalu pour le dollar roi en faveur des compagnies US.

La crise enfonce encore les pauvres

On assiste ainsi au mieux à une tentative de négocier un « co-leadership » occidental avec l’Oncle Sam, bien éloigné des besoins de véritable partenariat international qui émerge aujourd’hui sur la question monétaire. Au risque de rester englué dans des logiques de suprématie du dollar ou (et) de l’euro alors que le besoin émerge d’aller beaucoup plus loin vers une véritable coopération monétaire internationale.

En fait la création d’une monnaie commune mondiale devrait plus que jamais être inscrite à l’ordre du jour. Pour financer ces immenses travaux dont l’humanité a un besoin si criant aujourd’hui afin d’échapper à la crise en se donnant les moyens de sortir du sous-développement et de faire face à de colossaux défis environnementaux. Comme le demandait, avant ce sommet, le premier ministre indien, Manmohan Singh, ainsi que la plupart des représentants des pays émergents. Et comme l’auraient demandé sans doute bien davantage encore, s’ils avaient été conviés, tous les pays pauvres ou très pauvres de la planète. Grands absents de ce sommet de Washington.

(1) Les membres du G20 sont : l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, le Mexique, le Royaume Uni, la Russie, la Turquie et l’Union européenne.

Bruno Odent

Tag(s) : #Economie
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