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Tribune libre - Article paru le 31 octobre 2008 dans l'Humanité

Pour une véritable sécurité sociale professionnelle !


Nicolas Sarkozy s’est livré à un formidable numéro de claquettes en présentant son plan pour l’emploi le 28 octobre à Rethel, dans les Ardennes. La situation est grave assurément. A-t-il été question de revenir sur les largesses accordées par le paquet fiscal aux contribuables les plus riches pour accroître les marges de manoeuvre de l’État ? De remettre en cause la politique d’exonération des cotisations sociales patronales qui coûte plus de 30 milliards d’euros chaque année sans résultat avéré pour l’emploi ? De renoncer aux 30 000 suppressions de postes prévues dans la fonction publique l’année prochaine ? Rien de tout cela. On retiendra simplement que le gouvernement a été capable de mobiliser 400 milliards d’euros de prêts ou de garanties de l’État pour les banques et les entreprises, mais pas le moindre centime pour les salariés et leurs emplois.

Pour donner le change, le président de la République n’a pas hésité à « gauchir » son discours en galvaudant un concept cher à la CGT : « Il faut créer une véritable sécurité sociale professionnelle », a-t-il répété tout au long de son intervention. Il avait usé du même vocabulaire pendant la campagne de l’élection présidentielle. Mais qu’en est-il exactement aujourd’hui ? Nicolas Sarkozy a d’abord vanté les mérites de la loi sur « la modernisation du marché du travail » qui a permis concrètement d’allonger les périodes d’essai, d’introduire un contrat précaire supplémentaire (le CDD à objet défini) et de nouvelles facilités de licenciement pour les employeurs (la rupture conventionnelle du contrat de travail). Au bout du compte, c’est plus de sécurité pour les patrons et plus de flexibilité pour les salariés. « La sécurité sociale professionnelle c’est aussi une indemnisation du chômage à la fois plus juste et plus incitative au retour à l’emploi », a-t-il ajouté. Mais la feuille de route du gouvernement invite simultanément les partenaires sociaux à réduire de 1 % en trois ans le niveau des cotisations chômage, soit une ponction de 4 milliards d’euros sur le dos des chômeurs. « Il faut mieux traiter certaines situations de précarité.

En particulier les jeunes qui enchaînent des petits boulots et ne sont pas couverts par l’assurance chômage faute d’avoir pu suffisamment cotiser », a-t-il précisé.

En suggérant aussitôt de reconduire la période d’affiliation de 6 mois nécessaire à l’ouverture des droits : exit donc les primo-demandeurs d’emploi et la plupart des salariés précaires, quand on sait que la moitié des CDD sont des contrats inférieurs à 1 mois et que la durée moyenne d’une mission d’intérim est de 10 jours. En vérité, le discours de Sarkozy ne trompe personne. Derrière le vernis des mots, la réalité apparaît dans toute sa laideur. L’homme est un fervent partisan de la déréglementation du droit du travail et profite même de la crise pour donner un coup d’accélérateur à sa politique ultralibérale. En témoignent les propositions, précises celles-ci, qu’il a formulées en faveur de l’assouplissement du régime des CDD et de l’extension du travail dominical. Le MEDEF, évidemment, a applaudi des deux mains.

La CGT a une tout autre conception de la sécurité sociale professionnelle. Face aux inquiétudes et aux impatiences sociales des salariés de la CAMIF, de Dim,de Renault, de Peugeot, des intérimaires et de bien d’autres, il serait sans doute plus judicieux d’identifier quelques mesures simples et concrètes qui pourraient être rapidement mises en oeuvre dans le cadre d’un plan de sauvetage national des entreprises et de leurs salariés.

Il faudrait d’abord remettre à plat les droits d’intervention des institutions représentatives du personnel (IRP) sur les choix stratégiques des entreprises pour dépasser ces procédures d’information et de consultation qui ne permettent pas de contrer les ambitions financière des actionnaires. On pourrait instaurer un droit de « blocage » au niveau des conseils d’administration et des comités d’entreprise, que seuls un juge ou une majorité de salariés pourraient lever. Nicolas Sarkozy a évoqué à Rethel « les stratégies cyniques et opportunistes » de certaines entreprises, c’est le seul moyen de les combattre à mes yeux. Pour mieux protéger l’emploi, il serait également urgent d’engager une réforme des tribunaux de commerce en confiant leur administration à des juges professionnels plutôt qu’à des entrepreneurs. Mais le licenciement ne peut pas toujours être évité. Dans ce cas, il conviendrait de mettre en place des mesures pour sécuriser le parcours du salarié concerné et l’aider à remettre le pied à l’étrier de l’emploi. Le dispositif plus pertinent aujourd’hui est, sans aucun doute, le « congé de reclassement » pendant la durée duquel le salarié conserve son contrat de travail, la plus grande partie de sa rémunération et ses droits à la protection sociale. Il est aujourd’hui réservé aux entreprises de plus de 1 000 salariés et n’est pas forcément reconductible. On pourrait imaginer de l’étendre au bénéfice de tous ceux qui perdent leur emploi sans exception,en le reconduisant jusqu’au reclassement effectif du salarié. Ce qui impliquerait de faire du droit au reclassement une obligation de résultat pour l’employeur, comme il en existe déjà une en matière de santé au travail.

Ainsi, l’entreprise engagerait-elle sa responsabilité sociale vis-à-vis de l’emploi dans notre société.

Le reclassement du salarié serait évidemment facilité par un accompagnement renforcé et un accès à la formation qualifiante. Pour financer cette politique, il faudrait créer un fonds interprofessionnel en mutualisant les moyens des intervenants habituels sur les politiques publiques à l’emploi et à la formation (État, UNEDIC, région, OPCA, etc.). Voilà quelques dispositions qu’on pourrait utilement mettre en oeuvre pour construire les fondements d’une vraie sécurité sociale professionnelle.

Par Maurad Rabhi, secrétaire de la CGT, en charge des questions de l’emploi et du chômage.

Tag(s) : #Politique
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