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Politique - Article paru le 8 juillet 2008

La réforme des institutions au point mort

Parlement . Le débat repart de zéro à l’Assemblée nationale, qui reprend l’examen du texte aujourd’hui, après le travail de sape du Sénat et l’échec d’un compromis UMP-PS.

Retour à la case départ pour la réforme des institutions. Après une lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, tout est à refaire pour le gouvernement. Le texte voté une première fois par les députés le 3 juin a été profondément dénaturé lors de son passage à la Haute Assemblée, ne permettant de dégager aucune majorité à l’approche du Congrès du Parlement, fixé au 21 juillet. Celui-ci doit en effet réunir une majorité des trois cinquièmes des votants pour entériner la révision constitutionnelle. À ce jour, il manquerait 20 voix au président de la République pour faire avaliser sa réforme, le projet n’ayant recueilli dans les deux chambres que 481 voix contre 354, au lieu des 501 voix requises sur ces 835 votants.

À l’Assemblée nationale, qui se saisit à nouveau du texte à partir d’aujourd’hui, l’UMP aura à relever un triple défi. Celui de rétablir une version du texte fidèle à la réforme voulue par le président de la République et le gouvernement, tout d’abord. Mais en la rendant acceptable par la droite sénatoriale, très réticente au toilettage de la Constitution de la Ve République et à la mise en cause, même minime, de sa domination sans partage sur la Haute Assemblée. Un compromis aurait été trouvé sur la question du référendum pour l’adhésion à l’UE de la Turquie, qui divise députés et sénateurs UMP. Le dernier défi sera enfin de parvenir à rallier une partie des voix de gauche pour s’assurer de l’adoption de la réforme au Congrès. Un pari qui semble impossible à gagner, tant les contradictions sont fortes entre ces trois exigences.

Pas de « défection socialiste »

À mesure que le Sénat s’éloignait de la version initiale présentée par le gouvernement et de celle adoptée par les députés, le gouvernement a vu s’amenuiser l’espoir d’un « compromis bipartisan » avec le PS, plus remonté que jamais contre la fermeture de la majorité à ses propositions. « En l’état, la réforme des institutions est inacceptable pour les socialistes », a prévenu Jean-Pierre Bel, le président du groupe au Sénat. Le PS fait de plusieurs exigences la condition sine qua non d’un vote favorable à la réforme, ou d’une abstention qui aurait pour effet de laisser passer la réforme (seules les voix pour ou contre sont comptabilisées pour calculer la majorité au Congrès).

Parmi ces exigences, les socialistes ont énuméré le décompte du temps de parole du président de la République dans les médias, l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives, le droit de vote pour les résidents étrangers aux élections locales, et la modification du mode de scrutin et du collège électoral aux sénatoriales, pour mieux prendre en compte la représentation des collectivités locales, majoritairement à gauche depuis les élections de mars.

Non contente de rejeter chacune de ces conditions, la droite sénatoriale a ajouté, contre l’avis du gouvernement, le refus de prendre en « compte de la population » dans la représentation sénatoriale, après avoir tenté sans succès, en commission, d’imposer un verrouillage définitif du mode d’élection actuel en le gravant dans la Constitution. Si les députés de droite devraient rétablir sans peine la version gouvernementale sur ce point, tout comme l’encadrement du 49-3 (adoption d’une loi sans vote) ou la reconnaissance des langues régionales, cela ne devrait pas suffire à amadouer le PS. Ses députés ont claqué la porte de la commission des Lois de l’Assemblée, mercredi. « Les socialistes seront unis pour voter contre la réforme des institutions », a expliqué André Vallini, prévenant le gouvernement qu’il ne pourra « compter sur aucune défection socialiste ». En première lecture, les députés PS avaient exprimé un « non d’attente » unanime (moins dix abstentions), espérant des gestes d’ouverture qui ne viennent pas.

L’équation reste donc plus difficile que jamais pour le gouvernement, qui doit aussi compter avec l’opposition farouche des députés et sénateurs communistes. Ces derniers n’ont eu de cesse de dénoncer « la dérive présidentialiste engagée par Nicolas Sarkozy et sa majorité ». « Depuis des mois, nous dénonçons la véritable propagande mise en oeuvre pour présenter ce projet de loi constitutionnelle comme une avancée historique pour les droits du Parlement, a déclaré la présidente du groupe communiste au Sénat, Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette révision confirme cette nouvelle architecture institutionnelle, dans laquelle un président tout-puissant se trouverait en contact permanent avec une majorité parlementaire renforcée et qui lui serait naturellement dévouée. » Pour le député Jean-Claude Sandrier (PCF), ce projet de loi n’est que l’emballage de « la volonté d’un seul homme », Nicolas Sarkozy, de venir s’exprimer devant le Parlement sans que celui-ci n’ait voix au chapitre ni le droit de censurer sa déclaration.

Un « caprice » du nouveau président

Sur ce point, la partie n’est pas plus facile à droite pour le gouvernement. Certaines voix parmi ce qui reste des gaullistes et des anciens chiraquiens, dont les anciens ministres François Goulard et Henri Cuq, les députés Jean-Pierre Grand ou Jacques Le Guen, dénoncent un « caprice » du nouveau président de la République. Pour Nicolas Sarkozy et François Fillon, cette disposition est non négociable. En l’absence d’un accord avec le PS, la défection de ces élus (13 députés et 2 sénateurs UMP ont voté contre en première lecture, 5 se sont abstenus) pourrait être fatale à la droite au moment du Congrès.

Sébastien Crépel

Tag(s) : #Politique
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