Germaine Tillion

20 Avril 2008

Germaine Tillion cesse le combat

Par Nicolas MOSCOVICI
leJDD.fr

Germaine Tillion est morte ce samedi, à l'approche de son 101e anniversaire. Pionnière de l'ethnographie française, celle qui fut de tous les combats contre les totalitarismes, a marqué de son empreinte le XXe siècle. Déportée puis résistante, elle aura été l'un des grands témoins de la guerre d'Algérie. Privilège rare, elle était également Grand Croix de la Légion d'honneur.

Germaine Tillion s'est éteinte samedi à l'âge de 100 ans.

Elle aura été, à n'en pas douter, l'un des grands témoins de tous les drames humains du XXe siècle. A presque 101 ans, Germaine Tillion est décédée ce samedi, à son domicile de Saint-Mandé (Val-de-Marne), ville où elle résidait depuis 1945 et dont elle était citoyenne d'honneur depuis le printemps dernier. Longue, la vie de Germaine Tillion a surtout été d'une richesse inouïe. Certains de ceux qui ont côtoyé cette combattante de longues années durant se plaisent à dire qu'elle en a vécu plusieurs. Que retenir alors de ce personnage hors du commun? Forcément que son existence a été guidée par la recherche d'un monde meilleur, moteur de sa lutte acharnée et incessante contre les totalitarismes de la barbarie.

La barbarie, Germaine Tillion, brillante ethnographe, disciple de Marcel Mauss et Louis Massignon en a elle-même été victime en 1943, quand son destin emprunte la sinistre route du camp de concentration de Ravensbrück. De sa douloureuse expérience des geôles nazies, où elle perdra notamment sa mère, elle en livrera un témoignage, rare et précieux, Ravensbrück, publié la première fois en 1946. Mais Germaine Tillion ne fut pas seulement victime du second conflit mondial, elle en a également été l'un de ses héros. Résistante, elle fut décorée à la Libération de la Croix de guerre 1939-1945. Elle reçut également la médaille de la Résistance et la médaille de la déportation. Et s'avançait déjà vers d'autres combats.

Honneurs littéraires et républicains

Sa trajectoire, comme celle de l'Histoire de France, la conduisit en Algérie, terre de ses premières études dans les années 1930. Dans les heures tourmentées de la guerre d'Indépendance, Germaine Tillion n'aura de cesse de lutter, encore et toujours, pour la dignité humaine: elle s'élèvera contre la clochardisation du peuple algérien ou contre la torture. En 1956, dans L'Algérie en 1957, elle démontera scientifiquement la logique du système colonial. En 1957, justement, on lui attribue la trêve des attentats et des exécutions capitales, suite à une discrète rencontre avec Yacef Saadi, chef de la branche armée du FLN à Alger. En 1966, son plus célèbre ouvrage, Le Harem et les cousins, prend encore pour thème la société magrébine, décolonisée cette fois. Germaine Tillion s'attaque alors à la condition dégradée de la femme, qui, loin d'être l'apanage de l'Islam, est un facteur d'appauvrissement de l'ensemble du pourtour méditerranéen. "L'asservissement ne dégrade pas seulement l'être qui en est victime, mais celui qui en bénéficie", reste l'une de ses sentences les plus célèbres.

Cette soif de justice, de paix et de concorde, qui n'a de salut que par la compréhension de l'Autre, disait-elle, Germaine Tillion tentera de l'assouvir dans d'autres régions du globe, au Moyen-Orient notamment. Infatigable, en 2004, elle lance avec d'autres intellectuels un appel contre la torture en Irak. Couronnée dès 1971 par le prestigieux prix international Cino Del Duca pour l'ensemble de son oeuvre littéraire, elle sera également honorée par la République française. En 1999, elle rejoint les seules Geneviève de Gaulle, Valérie André, Jacqueline Worms de Romilly et Simone Rozès au rang de Grand Croix de la Légion d'honneur. Ce samedi, dans un communiqué, Nicolas Sarkozy a tenu à saluer "une femme d'exception dont le courage, l'engagement et l'humanisme ont été les guides de toute une vie".

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