Les matraques contre les salariés de Carrefour
La plupart gagnent moins de 1000 euros. Ils revendiquaient pour leur pouvoir d’achat. Le pouvoir sarkozyste leur envoie les CRS...
19 février 2008
Le conflit durait depuis le 1er février et s’est radicalement durci face à la stratégie de pourrissement. Il s’est terminé ce week-end sans que la direction du magasin Carrefour Grand-Littoral, dans les quartiers Nord de Marseille, n’accorde une prime de 250 euros annuelle et un ticket restaurant à 4,50 euros (contre 3,05 aujourd’hui) à ses salariés. La plupart d’entre eux gagnent moins de 1 000 euros par mois. Vendredi, la tension était de nouveau montée d’un cran. La veille, sept grévistes, dont les délégués syndicaux, avaient été cités à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Marseille pour « entrave à la liberté de travailler ».
LA TENSION MONTÉE D’UN CRAN
La justice les sommait de ne pas bloquer les camions de livraison, des actes que les grévistes ont toujours niés. La préfecture des Bouches-du-Rhône n’a pas attendu vingt-quatre heures pour envoyer les CRS sur les lieux. Les grévistes ont été délogés sans ménagement d’un rond-point. Pendant la charge, plusieurs personnes ont été bousculées, dont une caissière enceinte de deux mois, qui a reçu un coup de bouclier dans le ventre. La jeune fille a été prise en charge par les marins-pompiers puis hospitalisée aux urgences. Par chance, la mère et l’enfant à naître s’en sont tirés sans encombre. Lors d’une seconde charge peu après, devant le local des livraisons, le conseiller général communiste, Joël Dutto, a été jeté à terre sans ménagement et blessé à la tête (lire son témoignage).
RÉPRESSION ET DÉDAIN DE LA DIRECTION
Cette violence soudaine a créé une grande tension sur place et dans les quartiers environnants. Les hypermarchés Carrefour de Port-de-Bouc et du Merlan, à Marseille, ont cessé le travail samedi, en signe de solidarité. Des débrayages ont eu lieu également au Carrefour d’Aix-les-Milles. Le magasin Grand-Littoral était, lui, fermé. « Cette violence résume tout le dédain de la direction pour les employés qui font la richesse du groupe », estime Smaïl Aït Atmane, délégué CFDT. « C’est indigne de la part de Carrefour qui veut se donner une bonne image marketing. » « L’intervention des CRS a avivé la tension », constate Avelino Carvalho, responsable du commerce à la CGT 13. « Le représentant de l’État ne contribue pas à la recherche d’une solution, mais met la force publique au service de Carrefour. Si le préfet faisait vraiment respecter les décisions de justice, il y aurait des CRS tous les dimanches à Plan-de-Campagne pour empêcher l’ouverture illégale des magasins. » Après des interventions de responsables syndicaux nationaux auprès du ministère du Travail et de la direction de Carrefour, de nouvelles négociations se sont ouvertes samedi.
Le matin, le PCF avait organisé un rassemblement de solidarité avec les grévistes. « Les salariés de Carrefour ne réclament pas 40 d’augmentation de leur salaire, comme les patrons du CAC 40 », y expliquait Jean-Marc Coppola, secrétaire fédéral du PCF, coauteur avec Joël Dutto d’une lettre au PDG de Carrefour et d’une autre au préfet. « Ils revendiquent la dignité et de quoi vivre, tout simplement. On se demande ce que fait le président, qui devait être celui du pouvoir d’achat. »
La CFDT syndicat majoritaire, a finalement signé un accord à l’arraché samedi soir avec la direction de Carrefour. Aucune des revendications initiales, la prime de 250 euros, la fin des temps partiels ou la revalorisation du tcket Restaurant, n’a été satisfaite.
Pendant la charge, plusieurs personnes ont été bousculées, dont une caissière enceinte de deux mois, qui a reçu un coup de bouclier dans le ventre.
La direction a proposé d’augmenter la valeur du Ticket Restaurant de 3,05 euros à 3,50 euros si le taux de démarque de l’hypermarché passait de 2,6 % actuellement à 2,4 %. Elle versera également 80 000 euros au comité d’entreprise. Deux jours de grève seront payés, une partie sera prise en congés et le reste prélevé au rythme d’un jour par mois. La CGT a refusé de signer le protocole, mais a également appelé à la reprise du travail aujourd’hui « pour ne pas diviser les salariés ». « Il y a eu des avancées sur le temps partiel, mais surtout cette grève a fait avancer les choses dans l’ensemble de la grande distribution », analyse Avelino Carvalho. Ce n’est pas une victoire, mais pas une défaite non plus. Ce mouvement va compter lors des négociations salariales qui vont s’ouvrir dans la grande distribution, et va peser longtemps.
Matthieu Gabriel (L’Humanité du 18 février 2008)