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Politique - Article paru le 2 février 2008 dans l'humanité

Editorial par Pierre Laurent

Ça craque

Le spectaculaire succès de la grève des employés du commerce de la grande distribution est un signe qui ne trompe pas : ça craque en profondeur dans le pays. La cote d’alerte atteinte par le pouvoir d’achat, les conditions de vie et de travail de ces salariés est au coeur de cette révolte revendicative.

Mais le mal qu’elle exprime est encore plus profond et nous donne une indication significative sur l’état de la société tout entière.Les conditions de travail dans la grande distribution ne se dégradent pas d’aujourd’hui. Et, paradoxalement, l’émiettement de la vie des salariés concernés, la surexploitation dont ils sont quotidiennement victimes a été jusque-là un obstacle à leur entrée en lutte massive. Pas facile de faire grève quand on a de si petits salaires, quand les horaires décalés travaillent contre les solidarités et la syndicalisation, quand la possibilité de travailler quelques heures de plus dépend du bon vouloir de la direction, quand le temps partiel est utilisé de façon permanente comme un moyen de pression et de chantage à l’emploi. Si le mouvement a été si fort hier, si massif, c’est, outre son caractère unitaire, parce que cette fois le seuil de l’inacceptable est atteint : des salaires qui ne permettent plus de vivre, des temps partiels imposés qui ne débouchent jamais sur de vrais emplois à temps plein, et maintenant un chantage ajouté au travail du dimanche en guise de traduction du slogan présidentiel « travailler plus pour gagner plus ».

Les salariés du commerce, qui avaient sous doute attendu beaucoup de cette formule, se sentent floués, trahis, méprisés. Leur colère vient donc d’éclater.

À sa manière, elle est emblématique du décrochage plus général de Nicolas Sarkozy dans les enquêtes d’opinion, en particulier dans les catégories populaires. C’est l’illusionnisme présidentiel qui mord la poussière.

La valse indécente de milliards d’euros auxquels les petits salaires assistent au-dessus de leurs têtes, que ce soit dans les comptes des groupes de la grande distribution qui affichent des taux de profits faramineux, ou dans les dérives spéculatives de la Société générale, renforce à l’évidence le sentiment d’injustice qui gagne le pays. Progressivement, une combativité sociale élargie s’enracine bien au-delà du secteur public. Peut-elle marquer des points durables face au pouvoir sarkozyste, et aux choix politiques et idéologiques qu’il représente ? Il faudra pour cela de nouveaux prolongements.

La bataille d’idées autour des causes des injustices persistantes qui frappent les salariés, autour des diagnostics des crises financières qui affaiblissent

le pays, autour des remèdes qu’il convient d’apporter au pays est essentielle. Car, même mise en difficulté par l’épuisement du Sarko-show, la droite peut encore s’appuyer sur les divisions qui travaillent l’opinion, sur la confusion politique qui règne. Attention de ce point de vue aux raisonnements mécaniques qui transforment déjà, dans certains commentaires, la chute de popularité présidentielle en victoires de la gauche aux prochaines élections municipales et cantonales des 9 et 16 mars. Le rejet et la colère peuvent aussi nourrir l’abstention. Pour être rassembleuses, les listes de gauche doivent jouer la carte de la combativité et de la clarté : clarté des projets qui doivent choisir le terrain des solidarités, clarté des alliances à gauche et non de pseudo-ouvertures censées imiter les recettes sarkozyennes, clarté de l’unité contre la division. Face à une droite qui déçoit, les électeurs reconnaîtront une gauche qui se bat.

Tag(s) : #Politique
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