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Rome.

Le discours d’un Président soumis au Vatican.

vendredi 28 décembre 2007 / "le Patriote"

Le Président de la République a profité de sa rencontre le 20 décembre dernier, avec Benoît XVI, qui l’a fait chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran, pour prononcer le discours le plus antirépublicain et antilaïque qui n’ait sans doute jamais été prononcé par un Président français depuis des décennies.

S’il est de tradition depuis Henri IV que les chefs d’Etat français se voient reconnaître ce titre, les précédents présidents n’avaient pas été jusqu’à baiser l’anneau du Pape, et à rappeler que la France est« Fille ainée de l’Eglise ». Une expression qui n’a de valeur que celle que veut bien lui donner l’Église catholique, et qui est l’expression de la soumission de la France à celle-ci !

S’en prenant à la laïcité française (c’est-à-dire l’unique laïcité dans le monde), il s’excuse : « Je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905.. » Révisionisme ! Un peu comme ces ecclésiastiques espagnols amnésiques qui ne voient que les martyrs qu’ils veulent, ou tel le pape affirmant que les Indiens d’Amérique n’ont pas été convertis de force, il oublie de parler des siècles d’obscurantisme et de guerres, de privation de liberté et d’endoctrinement religieux dont ont souhaité se débarrasser les pères de la laïcité française en 1905. Pour qu’on ait bien compris, il ajoute : « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. Et la France a apporté au rayonnement du christianisme une contribution exceptionnelle. » Là-dessus, il cite une liste de.. « saints » français, comme s’ils faisaient partie des grandes figures de l’Histoire de France.

 

« Sauvés par l’Espérance »

 

Nul ne conteste, pourtant, que la France ait des racines chrétiennes. Mais elle a, aussi des racines forgées par la philosophie des Lumières et la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Dans sa dernière encyclique Spe Salvi (Sauvés par l’espérance) publiée le 30 novembre, Benoît XIV aboutit (et il l’a précisé dans d’autres textes) à une conception du progrès réduit au progrès technique source de désastres, il y entérine une coupure entre le Bien (la foi selon Rome), et le Mal, l’Erreur (les matérialistes, des chrétiens, aussi tels les chrétiens de libération d’Amérique latine hier condamnés par le cardinal Ratzinger).

D’ailleurs, il y a certainement beaucoup plus de parenté avec la pensée de Marx dans la déclaration des évêques d’Amérique latine sur le libre-échange que dans les divers propos de socio-libéraux sur les nécessaires « réformes » qui n’amènent qu’inégalités criantes et misère.… Sur le même mode que le pape, N.Sarkozy reprend :« Mais un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. » Ah oui ?Brûle-t-on moins de voitures dans les quartiers depuis que les barbes fleurissent ou que les écoles privées catholiques sont subventionnées par les deniers publics ? La sécurité des personnes est-elle davantage respectée ? Par contre, Sohane a été brûlée vive parce que trop libre au goût d’un garçon, et Ghofrane a été lapidée dans les quartiers Nord de Marseille. Et les voiles fleurissent, parfois pour des raisons politiques, souvent pour ne pas être importunée, ne pas être traitée de « salopes ».

Les politiques qui délèguent le lien social à des prédicateurs sont en cause. Au risque de distiller une morale, non pas basée sur l’intérêt commun, et le refus des discriminations ethniques, sociales, sexistes, mais sur la religion, elles ont opéré un recul immense de l’espoir d’émancipation des femmes qui est aussi celui de la société toute entière. Charles Fourier le notait : « le degré d’émancipation d’une société se mesure au degré d’émancipation des femmes qui en font partie » C’est aussi ce que nous dit Dounia Bouzar, qui, au mois de janvier 2005, a claqué la porte du Conseil Français du Culte Musulman après y avoir siégé en silence pendant près de deux ans, et a écrit le livre « ça suffit ! »(1) où elle contredit tout ce qu’elle affirmait en 2001 dans « l’Islam des Banlieues ». A l’époque, en mission pour la Protection Judiciaire de la Jeunesse, elle proposait de faire confiance aux prédicateurs comme Tariq Ramadan ou Hassan Iquioussen — qu’elle présentait comme « les nouveaux travailleurs sociaux » — pour remettre les jeunes des cités dans le droit chemin grâce à la religion.

 

« La laïcité positive »

 

Violant ensuite le principe de neutralité de la Loi de 1905,il appelle « de [ses] vœux l’avènement d’une laïcité positive,(…)Il s’agit de rechercher le dialogue avec les grandes religions de France et d’avoir pour principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt que de chercher à le leur compliquer. » La grande idée de valoriser les religions, ici développée (2), est à rapprocher de son interprétation de la laïcité "positive" qui, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, a été le cauchemar des associations anti-sectes et des laïques refusant de voir « l’espérance spirituelle » remplacer « l’espérance sociale » de la République, notamment dans les quartiers populaires. C’est confirmé. Ce cauchemar sera également la ligne du président d’une République ne reconnaissant ni ne subventionnant aucun culte, qui mettra tout en œuvre pour « faciliter » la vie quotidienne des grandes religions (mais pourquoi se restreindre à quelques grandes religions), en donnant sans doute plus de pouvoir aux religions dans des organismes officiels, ou, pourquoi pas, au gouvernement ?(voir notre encadré)

 

L’ « engagement porté par l’espérance », réservé aux croyants !

 

Enfin, « last but not least », le plus stupéfiant :« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »

Outre qu’il n’est pas nécessaire d’être croyant pour avoir « un engagement porté par l’espérance »[ quelle insulte !…],eh oui, Mr Sarkozy, à l’école, on cherche l’émancipation par l’instruction, la réflexion, l’épanouissement personnel, alors que les religions cherchent la soumission et l’absence de toute contestation. A l’école, même si on est homo, on ne reçoit pas de coups de bâton, à l’école, il n’y a pas de « peuple déicide », il n’y a pas de blasphème, il n’y a pas de « chiens d’infidèles ». A l’école de la République, le communautarisme n’a pas sa place et on y enseigne que, citoyens et citoyennes, les droits et les devoirs sont les mêmes pour tous ! Par contre, à l’école, il y a des enseignants qui sacrifient une bonne partie de leur vie pour leurs élèves, sans jamais les exclure, sans jamais faire de différence. A l’ école publique, Il y a un regard laïque sur les religions qui constitue un des enjeux les plus importants de cette Loi de 1905,« un enseignement scolaire loin de la catéchèse, indispensable à la compréhension de la littérature,des arts plastiques, de la philosophie et de l’histoire ».(3)

Notre modèle républicain n’est pas seulement le produit de l’histoire : il est aussi, et peut-être d’abord, le produit de la pensée. Sa constitution a nécessité un travail théorique d’une très grande envergure. Ainsi, la laïcité n’est pas un principe autonome par rapport au modèle républicain, qu’il viendrait compléter, en quelque sorte, de l’extérieur, en lui donnant son « supplément d’âme », il en est l’élément constitutif. Pour Jaurès, émancipation des consciences et émancipation sociale vont de pair, dans la perspective d’un dépassement du capitalisme. Céder sur ce principe n’a rien d’anodin, cela revient à défaire le modèle tout entier.

Emmanuelle Gaziello

(1) « ça suffit ! » Dounia Bouzar Ed. Denoël , 125 pages.Mai 2005

(2)Conformément à ce qu’il écrivait déjà dans son livre, La République, les religions et l’Espérance (Cerf), en 2004.

(3)PCF :La laïcité au cœur des enjeux sociaux et sociétaux. http://www.pcf.fr/spip.php ?article474

encadré 1 :

Le Canard Enchainé est venu « troubler » la fête !

Il y a déjà dans l’équipe réunie autour de Mme Boutin, ministre du logement, des personnalités très proches des mouvements catholiques conservateurs. On se souvient qu’elle-même avait brandi la Bible en plein hémicycle lors du débat sur le Pacs, en 1999. Il y a notamment une proche, Christine Dechefdebien, condamnée il y a quinze ans pour sa participation à un commando anti-IVG dans un hôpital public. Et puis il y a son directeur de cabinet : Jean-Paul Bolufer. Un grand commis de l’Etat, énarque ultra-catholique, très intransigeant, entre autres, sur la question homosexuelle.

Eh bien ce grand moraliste, la veille de la visite historique à Rome, se fait épingler par le « Canard Enchaîné » pour avoir bénéficié d’un loyer de 6 euros le mètre carré, pour un appartement de 190 mètres carrés, situé dans le cinquième arrondissement. Cela fait quand même cinq fois sous le prix du marché et cela tombe d’autant plus mal pour lui que le 16 novembre dernier, sur France Culture, il partait en croisade contre les nantis qui avaient un salaire trop élevé pour vivre en HLM :« Qu’aujourd’hui se trouvent dans le parc HLM des gens qui ne devraient pas y être, et que se trouvent dans la rue des gens qui devraient être dans les HLM, je considère que c’est un véritable scandale. Et nous sommes en train de préparer un texte pour mettre en place de véritables surloyers pour ceux qui occupent indûment leur parc HLM. » Tel est pris…

http://www.le-patriote.info/spip.php?article1195

Tag(s) : #Politique
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