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Un divorce entre le peuple et la gauche autour de la question de la nation

Il y a un sentiment de crainte diffus qui habite les Français concernant le danger de la disparition de la France comme entité, comme identité, face à l’Europe, à la décentralisation, à la domination de l’économie par la mondialisation, qui font partie des référents culturels du PS d’aujourd’hui, mais aussi face à tout un courant idéologique de gauche, celle qui se revendique antilibérale, qui préfère faire des sans-papiers l’emblème de la lutte pour la justice sociale plutôt que les ouvriers, qui défend le financement public des lieux de culte, la reconnaissance des minorités, plutôt que la laïcité. Précisément, c’est pourtant cette dernière qui porte le politique au-dessus des différences pour faire de la citoyenneté la première de nos valeurs communes, levier d’une culture démocratique qui favorise la prise de conscience de l’importance des choix collectifs, des enjeux de l’intérêt général qui s’y expriment, par exemple, contre le libéralisme.

Le Président élu a entendu cette intuition du peuple de France, exprimée à travers la victoire contre le Traité constitutionnel européen du 29 mai 2005, que le plus important demeurait sans doute de ne pas céder au sacrifice de la nation, et a su la récupérer à défaut qu’elle fut prise en compte par un autre candidat, et ce, sans danger vis-à-vis de la gauche qui cultive, chaque organisation à sa façon, depuis des années, le sentiment de son rejet. Le candidat Sarkozy pouvait sans inquiétude récupérer ce thème et sans même y mettre beaucoup de contenu, tant il n’avait rien à craindre de la gauche sur ce sujet. Voilà comment, notre actuel Président a pu être élu, grâce à ce jeu entre une gauche centriste oublieuse de ses valeurs et une gauche antilibérale communautariste, niant la nation et oublieuse de la notion de peuple. Une situation de confusion politique qui pousse encore un peu plus les Français à s’en remettre à un homme providentiel. On comprend comment, dans cette situation, François Fillon pouvait exprimer le projet du nouveau gouvernement en ces termes " Face aux appels dérisoires à la " résistance ", nous allons inviter les Français à construire une espérance commune. Face aux extrémistes qui pensent qu’en cassant les vitrines on casse une victoire électorale, nous allons opposer la force calme de la démocratie". Il opposait "Face à ceux qui, à gauche, rêvent d’une cohabitation stérile, " une majorité claire et ouverte à tous les talents." Résolument, une seule solution, changer de monde Jean-François Kahn invite dans l’éditorial de son avant-dernier numéro intitulé, " N’ayons pas peur ", à la constitution, dans le sillon du vote " centriste révolutionnaire " d’une grande alliance démocratique et républicaine, qui fasse table rase du PS et de ses valeurs traditionnellement ancrées à gauche ainsi que des forces antilibérales. Il s’agit ici d’initier un nouveau type de rassemblement à la recherche de cette politique du milieu introuvable et improbable, tournant le dos à tout changement de société mettant en cause le capitalisme dans ses fondements. C’est croire pouvoir, aménager un système qui nous entraîne vers le chaos derrière de fausses bonnes intentions et le renoncement à oser penser un autre monde. On ne pourra pas contrecarrer le pouvoir financier, la logique de privation des richesses qui domine le monde sous le signe de l’exploitation, du sud au nord et du nord au sud, sans remettre résolument en cause par la mobilisation des peuples et des nations où ils ont leurs repères, le système lui-même, qui n’est pas aménageable sous le signe d’une gestion bien ordonnée entre intérêts économiques et besoins humains, comme le centrisme prétend en détenir la clé et qui nous a valu la supercherie de l’ouverture du gouvernement actuel et celle de Ségolène. Il y a une vision postmoderne dans la volonté de répondre aux grands problèmes par une politique qui prétend partir des besoins des gens, car cela justifie les programmes patchwork qui ne défendent plus d’idées, de conception générale du monde, de vision et de choix fondamentaux, l’absence de projet de sociétés qui s’affrontent. L’indifférenciation gauche droite et l’échangisme entre les deux favorise cette tendance à l’effacement de tout contenu à la faveur de la politique spectacle. Sarkozy de ce côté là a été le meilleur, d’autant qu’il a su créer, en s’appuyant sur les faiblesses idéologiques et les mauvais choix d’orientation de la gauche, l’illusion d’avoir un projet pour la France auquel pouvaient s’identifier une large partie du peuple, des Français, un projet pour beaucoup structuré autour de la valeur de la nation. Une nouvelle page de l’histoire de la propagande est en train de s’écrire, de l’idéologie du consensus, avec pour nouvel alambic, l’ouverture, le centrisme tout azimut comme modernisation libérale de la vie politique. Une pseudo révolution qui ne se révèle être qu’une métamorphose du politique de plus dans un seul but, en finir avec toutes résistances liées à l’idée de lutte des classes, éliminer toute conscience que l’origine de toutes les inégalités est contenue dans l’exploitation de l’homme par l’homme, dans le fait que celui qui vend sa force de travail manuelle ou intellectuelle est spolié de ce qu’il crée. C’est dans ce sens que le combat doit être mené en faveur d’une autre répartition des richesses, qui ne saurait répondre qu’à des besoins individualistes mais à l’exigence du bonheur commun. C’est seulement dans la capacité à faire retour sur cette démarche fondamentale que la gauche peut demain reprendre du sens, à moins qu’il faille inventer une nouvelle organisation politique capable de porter un tel projet radical en dehors duquel il n’y a pas d’alternative possible, un projet anticapitaliste et révolutionnaire, démocratique, républicain, laïque et social.

Guylain Chevrier 21/05/07

 

Tag(s) : #Débat après le 6 mai 2007
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