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Le bilan meurtrier de l’Europe forteresse

Depuis treize ans, la politique de l’Union tient en un état d’esprit : le tout-sécuritaire. Depuis l’an 2000, plus de 24000 migrants sont morts aux portes de l’Europe.

Le drame au large de la Libye, le 6mai, s’ajoute à une série de catastrophes devenues si nombreuses qu’elles en deviennent effroyablement banales. Plusieurs journalistes européens ont recoupé, méthodiquement, les données existant sur la mort de migrants durant leur traversée. Leurs travaux, « The Migrant Files », sont librement consultables. Fin mars, ils avaient ainsi pu recenser 23858 hommes et femmes décédés aux portes de notre continent depuis 2000.

« Au début, les institutions européennes ont plutôt fonctionné comme un frein par rapport aux dérives liberticides, rappelle Marie-Christine Vergiat, députée du Front de gauche au Parlement européen?. Mais, depuis une quinzaine d’années, la majorité politique de sein de l’Union a profondément évolué et les attentats de New York en 2001 ont servi de justificatif plus que de réelle motivation au basculement sécuritaire. Les frontières se sont fermées, l’obsession des États membres est devenue le contrôle des frontières extérieures de l’UE. » La meilleure illustration est la mise en place de l’agence Frontex, chargée de veiller au « contrôle de l’immigration illégale » dans les « points chauds » que constituent la mer Égée au large de la Grèce, l’archipel des Canaries au large de l’Espagne, et depuis 2011 les frontières sud de l’Italie. Elle veille à ce que les pays tiers, l’Algérie, le Maroc, la Turquie, participent à ce contrôle, par l’interpellation et la rétention des migrants. Frontex coordonne également les opérations « Rabit » (Rapid border intervention teams), des forces spéciales chargées de bloquer les migrants dès leur entrée sur le territoire européen. La structure bénéficie de moyens en forte hausse, de 19millions d’euros en 2006 et de 89millions en 2009. Son budget serait encore bien supérieur aujourd’hui.

Après avoir, avec l’espace Schengen, éliminé les contrôles frontaliers entre 26 États membres, l’Union européenne s’est ainsi employée à construire et renforcer ses frontières extérieures, devenues de véritables zones de conflits. « C’est une guerre contre les migrants qui est en cours, témoignait Hagen Kopp, militant allemand du collectif No Border, en 2010. La militarisation des frontières s’étend de l’intérieur de l’Union européenne jusqu’aux pays extérieurs. »

C’est le cas à Ceuta, une enclave espagnole sur le sol africain. Elle est entourée, depuis 2001, de huit kilomètres de clôtures parallèles, couronnées de barbelés et agrémentées de capteurs de bruit et de mouvement. Sous l’égide de Frontex, les barrières sont relevées, passent de deux à six mètres de haut. Et les drames s’y succèdent. Début février encore, douze personnes y trouvent la mort, sous les balles des gardes civils espagnols selon les témoins sur place.

Parallèlement au repli européen, s’est opéré un changement dans l’imaginaire collectif. « Au début du XXe siècle, nous pouvions lire des choses abominables sur les “ritals” et les “espingouins”, leurs femmes habillées en noir avec un fichu sur la tête, toujours fourrées à l’église », rappelle Marie-Christine Vergiat. Cette négativité est également présente dans la vision utilitariste de l’« immigration choisie » de Nicolas Sarkozy. « Ce slogan est tout à fait détestable, tranche Pierre Henry, directeur général de France Terre d’Asile. Aujourd’hui, sans aucun doute, le consensus entre les pays européens se fait plus facilement sur la question sécuritaire que sur une vision offensive et positive autour de la politique d’immigration. »

Pour ce militant associatif, « il faut au contraire se rendre compte que l’Europe a besoin d’immigration, car elle verra sa population vieillir dans les vingt prochaines années ». « Les immigrés rapportent beaucoup plus qu’ils ne coûtent ! renchérit Marie-Christine Vergiat. C’est une véritable richesse à accueillir et intégrer, à l’opposé des politiques en place qui ne font que monter la haine, la xénophobie et le repli sur soi. »

Front de gauche : Le bilan meurtrier de l’Europe forteresse
Tag(s) : #Elections européennes 2014
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