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Rachat de SFR par Numericable: la finance s'offre les télécoms

Rédaction Web

14 Mars, 2014

Altice, maison mère du câblo-opérateur Numericable, a été préférée à Bouygues Télécom par Vivendi pour la rachat de SFR. Un grand succès pour cette holding basée au Luxembourg et cotée aux Pays-Bas, propriété d'un résident suisse et détenteur d'un holding à Guernesey, qui va ainsi grossir grâce à un rachat nouveau spéculatif de très grande ampleur.

Le groupe Vivendi a tranché ce vendredi en faveur d'Altice, en choisissant d'entrer en "négociations exclusives" avec la maison mère de Numericable, pour le rachat de SFR, écartant ainsi l'offre concurrente de Bouygues. Ces négociations d'une durée de trois semaines se feront sur la base d'une offre qui prévoit un paiement de 11,75 milliards d'euros pour Vivendi ainsi que l'attribution de 32% du capital de la nouvelle entité, selon Vivendi.

[1]

Le choix de Numericable, qui s'est fait "à l'unanimité" du conseil de surveillance de Vivendi, selon une source proche du dossier citée par l'AFP, est un triomphe personnel pour Patrick Drahi. Inconnu du grand public, le propriétaire du Numericable est un as du rachat d'entreprise par endettement et de l'optimisation fiscale. Ce qui ne l'empêche pas d'assurer que son offre sur SFR est plus patriotique que celle de Bouygues Télécom.

Des gages patriotiques

La holding Altice, maison mère du câblo-opérateur Numericable, lorgnait depuis deux ans sur cette acquisition. Dans un entretien aux Echos, son propriétaire Patric Drahi assurait qu'il proposait "le meilleur projet industriel, réfléchi depuis sept ans, mûri, construit depuis des années et non ficelé en quelques jours". Une déclaration en forme de pique à l'intention de son adversaire, Bouygues, désireux de marier SFR à sa filiale Bouygues Telecom contre 10,5 milliards d'euros et 46% du capital de la société fusionnée à Vivendi. Surtout, il a affirmé que son "projet industriel est un projet patriote, un vrai made in France."

Pour donner corps à ce patriotisme soudain, il a assuré que:

  1. "le nouvel ensemble aura son siège, son management, sa cotation française et paiera ses impôts en France. Je serai le président de ce nouvel ensemble."
  2. "nous maintiendrons tous les emplois et nous en créerons de nouveaux"
  3. le nouvel ensemble Numericable-SFR est "le seul capable de "fibrer" la France", c'est-à-dire de l'équiper d'un réseau de fibres optiques.

Cet étonnant plaidoyer pour ce patron d'une société basée au Luxembourg et cotée aux Pays-Bas, résident suisse et détenteur d'un holding à Guernese, ne vise qu'à calmer les inquiétudes du gouvernement et à satisfaire aux critières de reprise de SFR fixées par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. "Ce sera zéro plan social, zéro plan de départs volontaires, zéro licenciement". "Et engagement de patriotisme économique, c'est-à-dire cotation à la Bourse de Paris, siège social en France, recherche et developpement en France, relocalisation de call-centers et achat des équipements télécoms chez le français Alcatel", avait-il insisté dans le JDD.

Complémentarités

Il faut dire que, contrairement à l'offre de Bouygues Télécom, le dossier de Numericable "répond, aux dires même de Vivendi, le mieux à l'objectif (du groupe) de devenir rapidement un acteur européen majeur des médias et des contenus et de renforcer SFR comme un acteur dynamique du très haut débit fixe et mobile". Le PDG du cablo-opérateur, Eric Denoyer, a d'ailleurs eu beau jeu de souligner les doublons d'activité contenus dans l'offre Bouygues, ainsi que ces conséquences sur l'emploi. "Un rachat par Bouygues pose de graves problèmes de doublons. Nous avons 130 boutiques dans lesquelles nous ne vendons que de la fibre et des services pour la télévision. SFR a plus de 700 boutiques et Bouygues 600 qui sont, pour la plupart, côte à côte et vendent le même service et les mêmes smartphones." Par ailleurs, le président d'Altice, Patrick Drahi, a écrit un courrier au ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg et à la ministre déléguée à l'Economie numérique Fleur Pellerin contenant notamment des engagements sur le maintien de l'emploi à SFR si son offre est acceptée.

Défiscalisation

Ce vendredi, le gouvernement a pris acte de cet engagement: "Dans ce dossier, le gouvernement est particulièrement vigilant à la question de l'emploi, de l'investissement ainsi qu'aux tarifs et services offerts aux consommateurs". Pour Bercy, et singulièrement Arnaud Montebourg, la décision de Vivendi sonne comme une défaite et une inquiétude. D'une part, le ministre du Redressement productif n'a pas ménagé ses soutiens publiques à l'offre de Bouygues. En cas de souci, Bercy disposait des moyens légaux d'intervention. Par ailleurs, ce soutien était en partie motivé par le fait que Bouygues Télécom appartient au groupe Bouygues, domicilié en France et coté à la bourse de Paris. Le nouvel attelage espéré Bouygues-SFR formait un nouveau "champion tricolore" des télécoms, au côté d'Orange France Telecom. "Deustche Telekom, Telefonica et Vodafone sont plus gros qu'Orange. En clair, si on revient à trois, on est plus fort que si on subsiste à quatre!", supputait le week-end dernier Arnaud Montebourg.Raté. Pire: affaibli par la guerre des prix dans le mobile, Bouygues Telecom se retrouve un peu plus marginalisé. L'intérêt pour le groupe Bouygues de conserver cette activité se pose plus que jamais.

Un rachat fondé sur l'endettement

Cette construction intellectuelle s'effondre avec Altice d'autant plus que la holding est le symbole d'un groupe délocalisée sur laquelle le gouvernement n'a que peu de marge d'intervention. Pire. Altice est est la championne du développement par "LBO", soit des rachats d'entreprises par endettement de ces mêmes entreprises rachetées auprès de ses banques créancières. Ce qui permet à l'acheteur de pomper toute la valeur de l'entreprise rachetée, tout en se déchargeant sur sa proie en cas de problème.

Pour grossir, Altice a déjà monté 7 LBO, toujours plus gros. Ce modèle est repris pour SFR, qui est déjà elle-même endettée, mais à une ampluer rarement vue. Schématiquement, dans cette opération, le "boeuf" SFR, valorisé à 15 milliards d'euros malgré ses dettes, est racheté par Altice, trois fois moins gros, avec une valeur boursière de 4 milliards d'euros en Bourse, mais avec 2,5 milliards d'euros de dettes. Le souci est que dans la fable, la grenouille qui veut se faire aussi grosse quele boeuf finit par exploser. Le gouvernement imagine déjà les conséquences sociales d'un pareil désastre industriel.

  • A lire aussi:

Rachat SFR : la rentabilité financière comme moteur [2]

Bouygues-SFR-Free: craintes pour l'emploi dans la téléphonie mobile [3]

Stéphane Guérard

URL source: http://www.humanite.fr/social-eco/numericable-soffre-sfr-grace-son-made-france-mondi-561097

Rachat de SFR par Numericable : la finance s'offre les télécoms
Tag(s) : #Economie
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