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L’Editorial de l’Humanité du vendredi 28 mai 2010

L'opinion publique n'a pas été désarmée


Le ministre espérait décourager les salariés en annonçant la fin du match bien avant la durée réglementaire. Il a échoué.


Par Patrick Apel-Muller


Éric Woerth avait tenté un dernier coup de Trafalgar pour saborder la journée de mobilisation syndicale : mettre fin autoritairement à la concertation qui devait se poursuivre jusqu’à fin juin et proclamer le report de l’âge de départ à la retraite bien au-delà de soixante ans. Le ministre espérait décourager les salariés en annonçant la fin du match bien avant la durée réglementaire. Il a échoué. Les manifestants étaient hier plus nombreux - autour d’un million - que lors du précédent rendez-vous le 23 mars et, dans certains secteurs, les grévistes étaient aussi ou plus nombreux qu’alors. Peut-être en a-t-il dissuadé de rejoindre le mouvement. Mais, en dépit d’un matraquage médiatique et de la publicité gouvernementale, l’opinion soutient massivement l’action syndicale et reste très majoritairement opposée au report du droit à la retraite. Tous les sondages l’attestent.

La méthode signe le crime : une fausse concertation, un projet de loi dévoilé le 20 juin à l’orée des congés d’été puis débattu à l’Assemblée le 6 septembre, avant la rentrée scolaire. Le président de la République, non content de renier ses engagements d’avant et d’après la campagne présidentielle, agit en catimini et frappe à l’heure du laitier. Il faut être bien convaincu que son projet nie l’intérêt général pour fuir à ce point le débat citoyen ! C’est en effet quasi exclusivement sur les salariés que pèseront les nouveaux efforts pour financer le système des retraites. La contribution des revenus du capital et des grandes fortunes ? Oubliée ! Le voilà le tabou, « le dogme » intouchable ! Le Medef, encouragé par le fait que ce sont ses propositions qu’a adoptées le gouvernement, réclame plus encore : l’introduction de la capitalisation pour remplacer progressivement la répartition qui assure la solidarité entre générations. La ronde des fonds de pension a débuté à l’aplomb d’une proie alléchante… 40 % de notre part salariale - les cotisations sociales patronales - ceux qui échappent aujourd’hui aux tapis verts des casinos boursiers et abondent les caisses maladie et retraite. Les appétits ne se cachent plus désormais puisque les dividendes, les stock-options et les retraites chapeaux font partie des domaines protégés par Nicolas Sarkozy.

Paradoxalement, le projet qui vise à briser la solidarité entre les générations l’a renforcée. Les jeunes de moins de trente ans, à qui l’on susurrait que la retraite à soixante ans menaçait leur avenir ou que le sujet était bien trop lointain pour les concerner, sont désormais au premier rang des classes d’âge disposées à défiler. C’est en effet leur avenir que la droite a décidé de sacrifier en les enchaînant au travail jusqu’à leurs forces ultimes.

L’acharnement du gouvernement et de ceux qui en approuvent les propositions à n’envisager aucune autre piste de financement, a mis en lumière un enjeu central, celui de la destination et de la répartition des richesses créées. La progression de 1,6 % du PIB par an, qui a conduit au doublement des richesses en quarante ans, a permis de multiplier par 4,5 les dépense des pensions et retraites depuis 1960. Pourquoi cela serait-il interdit à l’avenir ? Les principaux syndicats, hors FO qui faisait bande à part, ont annoncé des suites. La journée d’hier témoigne de l’échec du pouvoir à désarmer la colère de l’opinion.

Tag(s) : #Retraites
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