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Françafrique

Afrique-France, la diplomatie du business

Trente-huit chefs d’État et de gouvernement se réunissent lundi à Nice, pour le premier sommet Afrique-France présidé par Nicolas Sarkozy. L’occasion, pour le chef de l’État, d’afficher un soutien ostentatoire au secteur privé, présenté comme le principal « vecteur de développement » du continent africain.

Quand le business tient lieu de diplomatie, de politique de coopération, d’aide au développement. Voilà le fil rouge du 25e sommet Afrique-France, qui s’ouvre lundi à Nice, avec une omniprésence affichée et décomplexée du secteur privé. Parallèlement aux travaux officiels, consacrés à la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale, à la sécurité, au climat et au développement, patrons du CAC 40, dirigeants de PME français et chefs d’entreprise africains plancheront sur des « recommandations » présentées aux chefs d’État et de gouvernement par la présidente du Medef, Laurence Parisot, en conclusion du sommet. L’initiative, se flatte l’Élysée, relève de l’« ouverture à la société civile ». « Á Nice, ce sont les acteurs économiques qui seront mis à l’honneur », se félicite Nicolas Sarkozy dans un entretien à l’hebdomadaire les Afriques, en évoquant la venue de syndicats. En fait, seules la CFDT et la CFTC répondront à l’invitation reçue quelques jours seulement avant le sommet. Côté africain, l’Élysée était incapable, vendredi, de citer quelles organisations syndicales seront présentes. La « société civile » se résumera donc, en réalité, aux patrons. Concurrencées par l’arrivée massive sur le continent africain de nouveaux acteurs, en particulier asiatiques, alléchées par une croissance économique qui devrait atteindre 4,5 % en 2010 et 5,2 % en 2011, selon les prévisions de la Banque africaine de développement (BAD), les entreprises françaises cherchent à se repositionner, mais aussi à s’enraciner au-delà du pré carré traditionnel. Elles espèrent, pour cela, gommer l’image désastreuse d’une Françafrique opaque et pillarde, où diplomatie parallèle et pratiques néocoloniales servent les intérêts privés, au mépris de la démocratie, des droits humains, du développement et du respect de l’environnement. D’où leur projet de Charte de l’entrepreneur en Afrique, basée « sur le volontariat » et censée consacrer leur « responsabilité sociale et environnementale ». Mais les intitulés même des tables rondes animées par le patronat en présence de membres du gouvernement français suffisent à dissiper toute illusion : « faciliter le dialogue public-privé pour améliorer le climat des affaires » ; « construire et renforcer la compétitivité des entreprises africaines » ; « comment faciliter l’accès des entreprises aux financements ? » Sur le fond, et contre l’évidence, l’appui aux entreprises est présenté comme un facteur mécanique de développement pour le continent africain. Une tendance lourde : « L’aide publique au développement, qui est moins mobilisée par le soutien aux finances publiques, peut davantage s’orienter vers [.] vers le soutien au secteur privé », insistait, dans le rapport annuel 2009 de l’Agence française de développement (AFD), son directeur général, Jean-Michel Severino, remplacé depuis par le très sarkozyste Dov Zerah. Les entreprises, nouveaux vecteurs des politiques de développement ?

Cette orientation ne convainc guère ceux qui militent, un demi-siècle après les indépendances, pour une nouvelle relation, émancipée de la tutelle économique néocoloniale, axée sur le progrès social et humain. « Nicolas Sarkozy a menti sur la rupture avec la Françafrique comme sur tout le reste. Il se conduit comme un attaché commercial des grandes entreprises françaises, au mépris des intérêts des peuples », tranche Michelle Decaster, secrétaire générale de l’Association française d’amitié de solidarité avec les peuples d’Afrique (Afaspa). Samedi, à Aubervilliers, où se tenait un Forum citoyen Afrique-France en prélude aux mobilisations de Nice en marge du sommet, le ton était tout aussi acerbe. « La majorité des dirigeants présents à Nice sont illégitimes, ils se maintiennent au pouvoir par la force et la corruption, a rappelé Olivier Thimonier, secrétaire général de l’association Survie. Qu’ils discutent de démocratie et de bonne gouvernance relève de la farce. Ils sont, avec la complicité des sociétés étrangères, les principaux pilleurs de leurs propres pays. »

Rosa Moussaoui

La suite de notre dossier dans l’Humanité de lundi 31 mai 2010

Tag(s) : #Politique
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