Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Politique - Article paru le 28 novembre 2008 dans l'Humanité

Les maires se rebiffent

Élus . Le 91e congrès des maires s’est tenu dans un climat tendu, prenant à partie les choix budgétaires du gouvernement sur fond de crise. Fillon sifflé sur le service minimum.

À la veille du 91e congrès de l’Association des maires de France (AMF), qui s’est achevé hier, à Paris, la revue spécialisée la Gazette des communes le constatait sans détour : celui-ci s’est ouvert dans « un contexte tendu entre les associations d’élus et le gouvernement. Au-delà des finances et de la fiscalité locale, de nombreux motifs d’inquiétude se font jour. » Services publics menacés par « ’entrechoc" des réformes menées à un train particulièrement rapide », service minimum d’accueil dans les écoles jugé « inapplicable », autant de sujets qui ont effectivement alimenté la chronique des débats du congrès.

Le gouvernement mis sur le gril

À tel point que les désaccords partisans tendent à s’effacer dans la protestation unie d’élus pressés par la crise économique et financière qui les place en première ligne pour répondre aux besoins de leurs administrés. 56 % des maires condamnent ainsi la limitation des dotations à l’inflation, selon un sondage IFOP pour l’AMF, et 63 % s’opposent à l’intégration dans l’enveloppe des « dotations » d’État du fonds de compensation de la TVA (FCTVA), comme le prévoit le budget 2009. Un tour de passe-passe car cet argent n’est en réalité pas une dotation, mais le remboursement d’une somme que les collectivités, en payant leur TVA, avancent à l’État. Conséquence : plus une ville fera d’investissements, plus le remboursement de TVA augmentera au détriment des vraies dotations, pour respecter le plafond d’augmentation globale de l’enveloppe fixé à 2 %, ce qui n’a pas échappé aux maires.

Ceux-ci n’hésitent plus à mettre le gouvernement sur le gril. Ainsi sur le service minimum d’accueil (SMA) à l’école en cas de grève, jugé « inapplicable » par les élus de tous bords. Après avoir sifflé François Fillon, mardi, les 4 500 élus ont déserté symboliquement la salle, mercredi, à l’invitation du maire (PCF) de Saint-Martin-d’Hères (Isère), René Proby, pour protester contre les poursuites engagées contre sept d’entre eux dans son département.

François Fillon a en revanche été contraint de s’engager, mardi, à la tribune du congrès des maires, sur le sort des sous-préfectures : « Nous ne supprimerons pas de sous-préfectures dans les territoires ruraux. » Le mécontentement n’épargne là non plus aucun camp politique : « Nous avons le sentiment d’une dévalorisation de la ville », s’inquiétait récemment Jean-Luc Reitzer, maire (UMP) d’Altkirch, sous-préfecture du Haut-Rhin, qui a perdu successivement son tribunal d’instance, son tribunal de commerce et son conseil de prud’hommes, rapporte la Gazette. « Une trentaine de villes moyennes subit depuis dix-huit mois un traitement de choc », résume de son côté le maire (PS) de Saint-Dié, Christian Pierret.

Confrontés au problème de la désertification des services publics, d’autres élus n’hésitent plus à opérer des révisions idéologiques déchirantes. Ainsi sur La Poste. « Nos voisins sont souvent allés trop loin. Ils n’ont pas su défendre les fondamentaux du service public. La Poste française est aujourd’hui ce qu’il y a de mieux en Europe », estime le sénateur maire (UMP) de Vaux-sous-Aubigny (Haute-Marne), Charles Guené, qui propose de « sanctuariser » les missions de La Poste. « Sans cela, il y aura deux France et les communes très rurales se trouveront exclues. »

Désengagement massif de l’État

Mais, comme le déclare Maud Tallet, maire communiste de Champs-sur-Marne, élue au bureau de l’AMF avec le député André Chassaigne (PCF), « notre souci premier est financier avec le désengagement de l’État de tous ses devoirs de solidarité, et la recherche d’économies sur les dépenses publiques qui met à mal tous les services publics, locaux et nationaux, alors qu’ils sont le meilleur levier de cohésion sociale ». De même, le remplacement de la taxe professionnelle (TP) n’est pas réglé, alors que sa disparition prochaine a été confirmée par le premier ministre. « Nous sommes dans l’incertitude la plus totale », regrette un élu de Moselle, alors que la promesse faite l’an dernier d’organiser un « Grenelle de la fiscalité locale » réclamé par l’AMF n’a pas été suivie d’effet. Pas de réponse non plus sur les autres motifs d’inquiétude énumérés par Jacques Pélissard (UMP), président réélu de l’AMF, à propos des services publics nationaux, du logement, ou encore des restructurations militaires et hospitalières. André Laignel, secrétaire général de l’AMF et maire (PS) d’Issoudun, a dénoncé une « offensive en trois D » de la part du gouvernement : « D comme dénigrement, désengagement, et démantèlement. »

Sébastien Crépel

Tag(s) : #Politique
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :