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Salon de l'Agriculture: "Le traité transatlantique est une menace pour notre agriculture"

Humanité Quotidien
21 Février, 2014
Agroalimentaire

Marc Dufumier est professeur émérite à Agro ParisTech. Il est membre du comité de veille écologique de la Fondation pour la nature et l’homme. Il est l’auteur de 50 Idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation. L'Humanité l'a rencontré à l'occasion de l'ouverture du Salon de l'Agriculture.

Est-on bien parti pour combiner agroécologie et hautes performances économiques ?

Marc Dufumier. Nos politiques sont fortement conditionnées par celles menées à l’OMC, mais encore plus aujourd’hui, par celles qui se discutent dans le cadre des accords de partenariats bilatéraux, dont le prochain traité transatlantique. Ce que l’on appelle les accords de libre-échange, quoiqu’il n’y a rien de libre là-dedans. Ils ne sont qu’une menace pour notre agriculture en termes de compétitivité. Bien que le pire se joue au sein même de l’Union européenne. Il y existe aujourd’hui de vrais latifundia, à la mode brésilienne. De très grands domaines privatisés, dans lesquels des gens placent des capitaux et dont même le gérant est un salarié. Si nos politiques agricoles décident de jouer la carte d’une compétitivité à bas prix monétaire, dans ce cadre international, la France n’a aucune chance. Le blé picard cédera face au blé ukrainien, le lait breton face au lait néo-zélandais, la betterave face à la canne à sucre brésilienne.

[1] La loi d’avenir pour l’agriculture fait-elle fausse route en ambitionnant une double performance économique et environnementale ?

Marc Dufumier. La politique agricole commune (PAC) vient d’être réformée et va conditionner beaucoup de choses. En ce sens, nous avons perdu une bataille essentielle. Nous aurions pu faire en sorte que les 9 milliards d’aides accordées chaque année aux agriculteurs viennent rémunérer les bons produits – de terroir, bio, label rouge ou autres – et les services d’intérêt général rendus par les agriculteurs : éviter l’effondrement des abeilles, fixer du carbone dans le sol… Elle y a renoncé. De fait, nous sommes condamnés à ce que, jusqu’en 2020, tous les ans, 9 milliards d’euros aillent servir à enrichir les plus grandes exploitations sans quasiment aucun caractère incitatif à diminuer les coûts cachés des impacts environnementaux. Ceux qui résultent des résidus de pesticides dans les fruits et légumes, des hormones dans le lait, des anti-inflammatoires dans la viande… ou du cheval dans le bœuf.

Quels objectifs souhaiteriez-vous voir appliquer en France ?

Marc Dufumier. L’agriculture aurait tout intérêt à sortir des produits de terroir, label rouge, bio, des produits à haute valeur gustative et sanitaire. Une agriculture artisanale, diversifiée. Qui intégrerait des légumineuses – de la luzerne, des sainfoins, des pois chiche, des lentilles, des haricots, ou du pois fourrager, bref, autant de plantes capables de fournir des protéines végétales, et dont la France est déficitaire. Elles ont en plus la vertu de laisser dans les sols des résidus azotés qui permettent de fertiliser la plante l’année d’après. Après la révolution, leur installation avait été une révolution agricole, évitant des famines. Mais là encore, remontons un peu dans l’espace et le temps : en 1992, les accords de Blair House ont permis de dédouaner les tourteaux de soja, qui ont déboulé à bas prix sur le marché français et ont dissuadé les agriculteurs de cultiver des légumineuses. Cela nous coûte cher aujourd’hui. L’urgence est de promouvoir des systèmes de production hautement diversifiés. Mais ça, les lobbies n’en veulent pas.

La politique française va-t-elle dans ce sens ?

Marc Dufumier. La grande qualité de Stéphane Le Foll est d’avoir repris l’idée d’agroécologie. Sa grande erreur est d’y avoir intégré la méthanisation. Je ne développerai pas, mais techniquement c’est une absurdité, singulièrement pour la Bretagne. Il a cédé aux lobbies de la méthanisation. Les fermes type usine des 1 000 vaches existent déjà sur le marché européen, en Allemagne de l’Est notamment. C’est avec cela que l’on met en concurrence nos éleveurs. On leur dit allez-y, achetez un robot de traite, endettez-vous, et pour amortir, agrandissez votre troupeau, votre exploitation, et valoriser tout ça en méthane. Les agriculteurs bretons se sont déjà fait piéger à ce jeu-là, avec le lait en poudre ou le poulet pas cher. La jacquerie dans laquelle se retrouvent les bonnets rouges, c’est trente années de mensonge du même ordre. On ne va qu’accroître leur désarroi.

Entretien réalisé par M.-N. B.

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"Le traité transatlantique est une menace pour notre agriculture"
Tag(s) : #Economie
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