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"Une loi de régression sociale", l'éditorial de Jean-Paul Pierot

Mercredi 16 octobre 2013

Réforme des retraites. La date du 15 octobre 2013 est à marquer d’une pierre noire dans l’histoire sociale de la France. C’est ce jour-là qu’une majorité parlementaire se réclamant de la gauche aura entériné une loi de régression de civilisation, une de celles qui figuraient jusqu’alors dans le domaine réservé de la droite.

S’inscrivant dans une désespérante continuité avec toutes les mesures prises contre les retraites depuis vingt ans, avec Édouard Balladur, puis François Fillon et Nicolas Sarkozy, François Hollande vient d’accoler son nom à une « contre-réforme » de plus, à l’allongement des années de cotisation à 43 ans, à un report de l’accès au droit effectif à la retraite autour de 66 ans d’ici à 2035, à une baisse des pensions pour tous ceux qui ne pourront remplir, conséquence de l’augmentation des annuités, les conditions d’une pension à taux plein.

Reconnaissons à ce gouvernement au moins un mérite : il ne pilote pas à courte vue. Il condamne dès maintenant les jeunes d’aujourd’hui, les jeunes femmes et les jeunes hommes qui viennent d’entrer dans le monde du travail, à un avenir sombre d’une retraite retardée, dégradée et appauvrie. Mais dès 2014 ce sont leurs parents, les retraités d’aujourd’hui, qui seront ponctionnés par la fiscalisation et le report de la revalorisation des pensions au 1er octobre. Quelques rares mesures présentées comme positives en matière de pénibilité, de temps partiel, de prise en compte du temps d’études sont loin, très loin de suffire pour qualifier cette réforme d’un quelconque « progrès social » dont les parlementaires « peuvent être fiers », comme l’a affirmé la ministre Marisol Touraine hier à l’Assemblée nationale.

On mesure l’ampleur du recul auquel le gouvernement Ayrault s’accommode quand on entend la ministre des Affaires sociales présenter comme une conquête sociale la possibilité octroyée aux travailleurs les plus usés par un travail harassant de partir en retraite à 60 ans après vingt-cinq ans de travaux pénibles. A-t-on déjà oublié que la retraite à 60 ans, pour tous, a été instaurée il y a plus de trente ans par la gauche portée au gouvernement dans la foulée de la victoire de 1981 ? Et hier à la tribune de l’Assemblée nationale, André Chassaigne, au nom du Front de gauche, d’interpeller le gouvernement : « Vous aviez l’occasion de marquer l’histoire trente ans après la retraite à 60 ans, vous n’en avez rien fait. »

Il n’est pas besoin de chercher les causes de la crise de confiance qui traverse l’opinion publique ailleurs que dans cette distance abyssale entre les promesses du « changement c’est maintenant » d’avant le 6 mai 2012 et une politique qui tend à accréditer l’idée que le changement serait impossible. La popularité du président de la République est à marée basse. La droite en éprouve des difficultés à marquer sa différence, et en réclame encore davantage. L’extrême droite, qui s’est toujours nourrie du désespoir social, y trouve quelques artifices pour tromper et manipuler. Cela donne Brignoles. Pourtant c’est de la gauche et de nulle part ailleurs que le cap du changement peut être retrouvé. Le Front de gauche s’est battu sans relâche contre cette loi de régression, dix-sept députés socialistes ont refusé de la cautionner et ont choisi de s’abstenir, comme les élus EELV et le PRG. Une partie des députés, à la gauche de l’hémicycle, ont donc entendu les manifestants qui ont fait entendre la voix du mouvement social autour du Palais Bourbon. L’heure n’est pas venue de battre en retraite.

Jean-Paul Piérot

URL source: http://www.humanite.fr/social-eco/une-loi-de-regression-sociale-551222

Retraites : "Une loi de régression sociale"
Tag(s) : #Retraites
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